AVIGNON
AVIGNON (PACA) [13.07.15] – Vitrine de la création contemporaine en théâtre et danse, le festival phare de l’été français développe aussi depuis plusieurs années une programmation en art contemporain.
Seule dans une pièce grise de trois mètres sur trois, Irena Mulamuhic se tient debout. Elle porte à bout de bras, plusieurs heures par jour, un cadre contenant sept photographies jaunies. Fils, mari, frères, père : voici vingt ans qu’elle ne les a pas vus, ni oubliés un instant. Elle a sans doute une cinquantaine d’année, soulignées par son regard absent et ses fines rides enveloppées dans un voile pâle. Srebrenica. Vingt ans. Le visiteur peut rester vingt secondes, suivre le parcours de l’exposition, ou rester un moment face à elle. Refuser le malaise, assumer la curiosité trouble ou fondre dans la terrible empathie.
Dans les pièces suivantes où se tient cette performance, un écran géant diffuse un documentaire silencieux sur les charniers. On chemine entre les photos satellites qui ont permis de les repérer et les relevés topographiques macabres. Enfin, une liste de noms. On ressort de ce mémorial temporaire sous le soleil écrasant d’Avignon, dans le jardin délicieux de l’université Pasteur, où des conférenciers philosophent en plein air sur un autre sujet, troublant à peine le concert de cigales. Ce saisissant contraste est bien la marque de cette ville et de son festival unique. Avec Hope, du metteur en scène Haris Pasovic, le festival d’Avignon suit sa ligne de programmation en art contemporain, toujours en lien avec les grands sujets politiques de l’année qui sous-tendent les créations théâtrales du « in ».
Les habitués se souviennent, lors de la décennie écoulée, de Sophie Calle occupant l’Eglise des Célestins ou de Miquel Barcelo, plantant son éléphant sur la grande esplanade du Palais des Papes. Georges Rousse ou Cy Twombly ont aussi investi les lieux emblématiques de la cité.
Car les arts visuels sont un élément incontournable d’Avignon depuis toujours. Palais des Papes, cloître des Carmes, Chartreuse de Villeneuve : Avignon n’a-t-elle pas offert au théâtre ses décors et ses architectures les plus extraordinaires ? Le lien entre les metteurs en scène invités et les arts visuels ont logiquement donné lieu à de nombreuses installations et d’expositions. Ainsi l’exposition dans l’hôtel de Caumont rénové qui abrite la collection Lambert : Patrice Chéreau, Un musée imaginaire. Sur les trois étages de l’hôtel particulier de la rue Violette le commissaire de l’exposition a puisé dans la collection Lambert et dans les archives du metteur en scène pour offrir un dialogue riche. Aux photos et vidéos des pièces de Chéreau sont associées toiles, sculptures et installations d’artistes contemporains : Gerhard Richter, Anselm Kiefer, Yan-Pei-Ming y côtoient l’ami fidèle de Chéreau, peintre et concepteur de décors, Richard Peduzzi.
Un autre mariage entre théâtre et arts visuels, plus modeste, est visible au théâtre Benoît XII, où Fabrice Sabre expose ses photos dans La Lumière, qu’on parcourt dans le noir avec une lampe frontale distribuée à l’entrée. Les clichés célèbrent le travail - de l’ombre - des techniciens de la scène. Notons enfin que Guillaume Bresson, jeune peintre représenté par Nathalie Obadia, est visible gratuitement à l’Eglise des Célestins.
Hope, Mise en scène Haris Pasovic. Université Pasteur. Du 11 au 18 juillet, 11h – 18h, entrée libre.
Patrice Chéreau, Un musée imaginaire. Collection Lambert en Avignon. TLJ 11h – 19h, 10€, 8€ tarif réduit.
Guillaume Bresson, Eglise des Célestins, 11h – 19h, entrée libre.
La Lumière, de Fabrice Sabre, Théâtre Benoît XII, entrée libre.
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Avignon, côté art contemporain
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