La Maison rouge à Paris offre la première exposition d’envergure sur le néon dans l’art depuis les années 1940.
PARIS - C’est à l’occasion du centenaire de l’invention du produit – le néon fut inventé en France en 1912 – mais aussi au moment même où celui-ci est menacé par de nouvelles technologies comme le LED (1), que la Maison rouge présente à Paris la première grande exposition internationale sur le néon dans l’art, des années 1940 à nos jours, à l’aide d’une centaine d’œuvres, historiques ou plus récentes. Consacrer une exposition à ce matériau et aux jeux de lumière qu’il permet, voilà une idée… éblouissante ! Difficile de ne pas se demander pourquoi il a fallu attendre si longtemps pour qu’une institution programme une manifestation de ce type, tant la démonstration apparaît… lumineuse.
Le commissaire a préféré la présentation thématique – « La lumière parle » (qui fait le lien avec le lettrisme), « Crisis », « Cercles et carrés », « Éblouissement », « Les pionniers », « Trajectoires », « Songe, éclipse, extinction », « La lumière brisée ») à celle chronologique, plus paresseuse mais toujours pédagogique. Dan Flavin – incontournable, mais malheureusement représenté par une seule œuvre –, Bruce Nauman, Keith Sonnier, Mario Merz, Pier Paolo Calzolari, François Morellet, Martial Raysse et Piotr Kowalski, artistes de la salle des « pionniers », montrent à quel point le néon a pu inspirer les plus grands noms de l’art contemporain. Il apparaît toutefois injuste que Chryssa, même si elle est désormais moins présente sur la scène de l’art, ne figure pas dans cette section, tant elle était une artiste reconnue dans les années 1960 et 1970, et tant son utilisation des néons a pu se révéler marquante.
L’exposition présente également quelques-uns des artistes les plus en vue, de Douglas Gordon à Mathieu Mercier ou Tracey Emin en passant par Claude Lévêque. Malgré le manque agaçant de cartels didactiques (en partie compensé par la remise d’un livret) et quelques déceptions (ainsi d’un Jeff Koons assez faible), la présentation, loin d’être répétitive, montre bien toutes les possibilités qu’offre le néon. Le matériau porte pourtant beaucoup moins l’identité de l’artiste que d’autres, mais, comme dans toutes les expositions réussies, le tout représente ici plus que la somme des parties.
On retiendra particulièrement WAR, de Bruce Nauman, dont les lettres orangées clignotent – effroyablement – telle une enseigne publicitaire, ou la pièce, de dimensions modestes mais d’une remarquable justesse, de l’artiste israélienne Sigalit Landau intitulée Go Home : deux petits radiateurs posés au sol font apparaître, derrière leurs grilles de protection, les deux mots « Go » et « Home » en néon orangé. Suggérant la chaleur voire la douleur via la brûlure, le foyer « Home » est renvoyé à l’enfermement derrière sa grille qui protège en même temps qu’elle interdit toute liberté. Quant à l’injonction « Go », elle est contredite par la grille qui l’emprisonne, dans un « double bind » générateur de malaise. Difficile de ne pas lire dans cette œuvre une – très efficace – illustration du conflit israélo-arabe fait de souffrance, de terrible enfermement (foyer et camp se confondant), de rejet raciste (« Go home ! »).
La Maison rouge apporte une nouvelle preuve qu’elle constitue un lieu incontournable pour la monstration de l’art contemporain à Paris. Cette très belle exposition en fournit une « brillante » illustration.
(1) diodes électroluminescentes.
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Abonnez-vous dès 1 €Commissaire : David Rosenberg
Nombre d’artistes : 83
Jusqu’au 20 mai, La Maison rouge, 10, bd de la Bastille, 75012 Paris, tél. 01 40 01 08 81, www.lamaisonrouge.org, du mercredi au dimanche 11h-19h, jeudi jusqu’à 21h. Catalogue, éd. Archibooks, 27 €.
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°365 du 16 mars 2012, avec le titre suivant : Attention les yeux !