Agnès b. : le nom choisi par Agnès Troublé pour incarner sa marque, dans sa brièveté, annonce une forme de discrétion, un goût pour le secret.
Les gens qui connaissent la styliste la disent réservée, pudique, presque « timide ». Ainsi, c’est seulement depuis quelques années que cette septuagénaire juvénile – en socquettes blanches et escarpins ce lundi printanier – revient ouvertement sur ses aspirations de jeunesse. Son ambition de devenir conservatrice de musée, les cours de l’école du Louvre, son stage à la Galerie de Jean Fournier… Et puis le principe de réalité qui la rattrape : mariée à 17 ans (à l’éditeur Christian Bourgois dont elle a gardé l’initiale), mère de jumeaux à 19 ans, divorcée à 20, il lui faut assurer son indépendance financière. D’abord rédactrice de mode, elle fait un passage chez Dorothée Bis avant de créer sa propre marque de prêt-à-porter en 1973 et d’ouvrir sa première boutique en 1975. Près de dix ans plus tard, en 1984, elle inaugure, rue du Jour à Paris, une galerie où elle montre les artistes qui lui plaisent, parfois avant qu’ils soient reconnus, comme Claude Lévêque ou Nan Goldin. Transformée en réussite, la nécessité d’entreprendre a contribué à lui donner les moyens de garder le cap de l’art, comme collectionneuse et mécène. Mais elle est aussi photographe, réalisatrice et productrice de cinéma… bourgeoise cultivée aux amitiés white trash, grande dame avec un côté rock, un parcours qui impose le respect, d’autant que rien dans son attitude souriante ne paraît l’exiger.
« J’ai peur pour vous »
En choisissant le LaM pour présenter une (petite) partie de sa collection, elle a fait confiance au commissaire et critique d’art Marc Donnadieu, et à un lieu à la fois établi et périphérique. D’ailleurs, « l’exposition n’est pas, comme le souligne Marc Donnadieu, une sélection de chefs-d’œuvre », mais un parcours qui rend compte de sa curiosité et de quelques constantes : « Le thème de la jeunesse, la transversalité entre les arts, les cultures du monde, la photo des avant-gardes des années 1920 et 1930… » Elle aime exercer son regard. Et fonctionne à l’amitié, comme celle qui la lie au réalisateur Harmony Korine, programmé à la Galerie du Jour au début des années 2000 « et qui est maintenant chez Gagosian ! », s’amuse-t-elle. L’artiste Claire Tabouret se souvient de leur rencontre, en 2011 aux Beaux-Arts – Agnès b. préside le prix des amis de l’école – à l’occasion d’un vernissage. Rencontre brève, suivie deux ans plus tard, par un coup de téléphone pour exposer à la galerie à l’étage au-dessus de la boutique. « Elle se souvenait parfaitement des œuvres que j’avais exposées ! » Plus tard, la styliste s’inquiétera lorsque, à l’affiche de l’exposition du Palazzo Grassi, Claire Tabouret sera propulsée sous les feux des projecteurs : « J’ai peur pour vous », lui souffle-t-elle. Impressionnée par le monde de l’art, peu encline à se mettre en avant, là où la lumière peut blesser, Agnès Troublé parle avec un enthousiasme feutré de son rôle de présidente de la Place, l’association dédiée au hip-hop qui ouvrira début 2016 aux Halles. Et rêve à voix haute d’une fondation où elle serait chez elle. « Quelque part, dans la banlieue nord, parce que c’est important d’être là. »
1941
Naissance d’Agnès Troublé à Versailles
1958
épouse l’éditeur Christian Bourgois
1973
Dépose sa propre marque
1976
Première boutique ouverte à Paris.
1984
Ouverture de sa propre galerie d’art, rue du Jour à Paris
1997
Crée avec Boltanski Point d’ironie, périodique d’art contemporain
2000
Reçoit les décorations de l’ordre du Mérite et de chevalier de la Légion d’honneur
2015
Expose sa collection au LaM à Villeneuve - d’Ascq
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Agnès b. - Grande dame rock
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Abonnez-vous dès 1 €Du 12 juin au 23 août 2015. LaM, 1, allée du Musée, Villeneuve-d’Ascq (59).
Tarifs : 10 et 7 €.
Commissaire : Marc Donnadieu.
www.musee-lam.fr
Cet article a été publié dans L'ŒIL n°680 du 1 juin 2015, avec le titre suivant : Agnès B. - Grande dame rock