Transdisciplinarité

3e édition, 4e dimension

Par Françoise Chaloin · Le Journal des Arts

Le 28 février 2012 - 624 mots

Le Nouveau festival au Centre Pompidou, multiplie les propositions où le malaise le dispute à l’étrange.

PARIS - Renouvelant ses invitations à des commissaires extérieurs, le Nouveau festival présente au Centre Pompidou, à Paris, sa troisième édition d’un programme conçu comme pluridisciplinaire, expérimental et événementiel, et construit selon un principe de chambre d’échos par son directeur, Bernard Blistène. Une carte blanche a ainsi été donnée à la jeune plasticienne et metteur en scène franco-autrichienne Gisèle Vienne associée à l’écrivain américain Dennis Cooper, dont la dernière création était montrée en 2011 dans la Grande salle du Centre. Le duo propose dans l’Espace 315 « Teenage Hallucination », une exposition qui réunit près d’une quarantaine de poupées à échelle humaine issues d’une collaboration théâtrale menée entre 2003 et 2008. La finalité de ces mannequins d’adolescents prépubères et crispants ne se comprend qu’à la vision de leur pièce Jerk (trois représentations en mars). Cette performance solo pour un marionnettiste joue du décalage entre techniques de spectacle traditionnelles et récit d’horreur inspiré de l’histoire d’un tueur en série de jeunes garçons dans les années 1970 au Texas. Non loin, l’ambiance reste tendue avec le dispositif Last Spring : A Prequel, qui met en scène un automate évoquant un bonimenteur de fêtes foraines. Ces éléments du folklore populaire réapparaissent dans l’exposition « Read into My Black Holes », concoctée par les deux mêmes Vienne et Cooper, à partir des fonds du Musée national d’art moderne et de la Bibliothèque nationale de France ou de la Collection de l’Art Brut à Lausanne. Mais ici, les choses semblent grincer autrement, en particulier avec les poupées réalisées par l’autodidacte Morton Bartlett, les dessins subtils de Jean-Luc Verna ou encore les photographies d’anonymes collectées par Ossian Brown pour illustrer la fête d’Halloween, des images doucement effrayantes.

Les Mystères de l’Ouest
Dans la galerie Sud, le thème de la ventriloquie est repris par le critique d’art Paul Bernard, à partir du constat plutôt juste que la question de « La voix dissociée » de sa source traverse la création contemporaine, de William Wegman à Laurent Montaron (Doppler, 2009) en passant par Laurie Simmons – et sa magnifique réunion de clichés de ventriloques – ou Jeff Wall. On regrettera toutefois un parti pris « citationnel » et accumulatif, au détriment souvent de la perception même des œuvres, alors que le visiteur était précisément en mesure d’attendre de pareil sujet, dans le cadre du festival, des déploiements plus « physiques ».

Dans un autre registre, l’historien de l’art Pascal Rousseau, prenant prétexte d’un épisode de la série télévisée « Les Mystères de l’Ouest » (1965), imagine un parcours fondé sur la fascination des avant-gardes de l’abstraction, au début du XXe siècle, pour les nouveaux moyens de télécommunication. Si une large place est accordée aux dessins utopistes de l’architecte américain Claude Bragdon (1866-1944), l’attrait pour le cosmique est surtout palpable dans les films de Bruce Conner ou Robert Breer. Plus près de nous, Florian & Michaël Quistrebert réactualisent de manière distanciée et graphique, séduisante, cette géométrie abstraite. Ne pas manquer non plus le film E.S.P. (Extra Sensorial Perception, 2007) de Melvin Moti (en boucle les 1er et 8 mars au cinéma 1), images hypnotiques de l’éclatement de bulles de savon.

Le propos de cette édition brasse décidément très large autour de l’idée de la transgression des frontières ou celle de l’accès à une quatrième et hypothétique dimension…

UN NOUVEAU FESTIVAL

Jusqu’au 12 mars, Centre Pompidou, place Georges-Pompidou, 75004 Paris, tél. 01 44 78 12 33, tout le programme sur www.centrepompidou.fr. Également, lectures des textes de W. G. Sebald (sur une proposition de la romancière et vidéaste Valérie Mréjen), tournage en public par le cinéaste Guy Maddin (au forum – 1), projection de films et conférences liées aux différentes thématiques.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°364 du 2 mars 2012, avec le titre suivant : 3e édition, 4e dimension

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