PARIS
Déjà installée près de la place Vendôme, l’École des arts joailliers financée par le géant de la bijouterie de luxe ouvre prochainement un nouveau site dans un hôtel particulier inscrit monument historique.
Paris. « C’est un lieu unique à Paris, un écrin absolument merveilleux que nous avions à l’œil depuis plusieurs années », confie Lise Macdonald, présidente de l’École des arts joailliers Van Cleef & Arpels. La longue façade en pierre de taille néoclassique qui abrite une demeure privée édifiée en 1778, l’une des plus anciennes de la capitale, ne passe en effet pas inaperçue. L’emplacement de l’hôtel de Mercy-Argenteau, sur les Grands Boulevards, détonne pourtant avec la localisation du premier campus de l’académie, près de la place Vendôme. « C’est un espace qui fonctionne bien et que nous conservons, mais les volumes ne nous convenaient plus », explique la présidente. Pour s’agrandir (ce site dispose de 1 300 mètres carrés, soit 400 de plus que le premier), Van Cleef & Arpels a donc loué cet endroit, « moins impressionnant » mais plus facile d’accès, où l’on trouve une concentration de musées, théâtres et lieux culturels. « Nous sommes juste à côté du Musée Grévin, de Drouot…,énumère-t-elle. C’est un quartier historique pour tout ce qui concerne l’art lapidaire, la gemmologie. »
Dénommé ainsi d’après le comte Florimond-Claude de Mercy-Argenteau, ambassadeur de Marie-Thérèse d’Autriche qui arrangea le mariage du futur roi Louis XVI et de Marie-Antoinette et à qui cette dernière confia son coffre rempli de joyaux (des bijoux, déjà…) avant sa fuite à Varennes, l’hôtel de Mercy-Argenteau est protégé. Son inscription au titre des monuments historiques a donc nécessairement posé quelques contraintes lors de sa transformation en école. « Les travaux ont été légers, explique Lise Macdonald. Nous avons travaillé de manière à ce que le lieu soit respecté, en collaboration avec un architecte des Bâtiments de France. » Quelques changements ont été opérés : une mise aux normes pour l’accueil d’expositions et de public, la rénovation de l’installation électrique et des réaménagements ciblés. « C’est finalement sur les espaces les plus neutres, qui ne sont pas habillés de dorures ou de sculptures, que nous sommes le plus intervenus », précise la présidente.
En empruntant les marches d’un escalier en spirale mis en valeur par son contraste avec un lustre aux lignes modernes, le visiteur se retrouve ainsi dans la salle de fêtes du site, conçue à la fin du XIXe siècle et rythmée de colonnes. Devenue une salle d’exposition, son architecture a cependant été respectée grâce à des cimaises autoportantes s’intégrant entre les piliers, à la même hauteur qu’eux. À la sortie de cet espace, un vestibule marqué par les nuances de bleu apposées par la designer, architecte d’intérieur et scénographe Constance Guisset, ouvre sur plusieurs pièces.
À gauche, une salle auparavant faite de quatre murs blancs a été transformée pour devenir L’Escarboucle, une librairie spécialisée où seront proposés à la vente près de 3 000 titres consacrés aux arts joailliers. Ce lieu unique au monde sera d’ailleurs bientôt accompagné d’une bibliothèque tout aussi exceptionnelle, la première entièrement dévolue au bijou. « Il y aura plus de 10 000 ouvrages sur la gemmologie, l’histoire du bijou et le savoir-faire joaillier », détaille Lise Macdonald. Formée grâce à l’acquisition de deux fonds, l’un appartenant à un collectionneur et l’autre à un marchand, cette collection d’imprimés, revues et catalogues de ventes aux enchères pourra être consultée librement pour la majorité des titres, et sur rendez-vous pour les recueils anciens et précieux.
À droite se trouve le cœur du site : l’école. Fondée il y a plus de dix ans, avec pour mécène unique la maison Van Cleef & Arpels, elle a pour objectif de diffuser la culture joaillière, son histoire et son savoir-faire, à travers des cours non certifiants dispensés par plus de 70 experts, des conférences, des ateliers pour enfants, des publications et des expositions gratuites (la première sur le site de Mercy-Argenteau concerne les bijoux de scène de la Comédie-Française). Jusqu’à présent, l’unique campus parisien accueille 6 000 personnes par an. « Aucun prérequis de connaissance du bijou n’est nécessaire, insiste Lise Macdonald. Nous nous adressons au public le plus large possible, il suffit d’être curieux. » Les deux sites parisiens fonctionneront concomitamment dès le printemps prochain, lors de la réouverture du campus de la place Vendôme, qui s’offre, lui aussi, une rénovation.
Au-delà de l’ouverture de son deuxième site parisien, l’année 2023 marque un tournant pour l’École des arts joailliers de Van Cleef & Arpels. Déjà très présente à travers le globe, l’académie, qui organise des « sessions nomades » de quelques semaines à New York et Tokyo, inaugure cette année deux campus permanents à Shanghaï (Chine) et Dubaï (Émirats arabes unis), qui s’ajoutent à celui de Hongkong, ouvert en 2019.
Promue directrice de l’École France-Europe, Élise Gonnet-Pon dirigeait auparavant le campus hongkongais. Elle le confirme, « si les grandes maisons sont toujours là, c’est grâce à la transmission des savoir-faire et de la passion, du maître à l’apprenti ». Le rayonnement de l’expertise européenne et française est donc la condition sine qua non de la survie de ces géants, comme des métiers d’art eux-mêmes. Quelques mois après l’annonce par le gouvernement du plan en faveur des métiers d’art et la création d’une enveloppe de 340 millions d’euros destinée à promouvoir le secteur, la volonté renforcée de Van Cleef & Arpels, mastodonte de l’horlogerie et de la bijouterie, de transmettre les savoir-faire joailliers, démontre que les institutions privées peuvent, elles aussi, apporter leur pierre à l’édifice.
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Van Cleef & Arpels dédouble son École des arts joailliers
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°619 du 20 octobre 2023, avec le titre suivant : Van Cleef & Arpels dédouble son École des arts joailliers