La Première chambre civile de la Cour de cassation vient de mettre un point final aux affaires qui avaient opposé le titulaire du droit de reproduction d’Utrillo à des commissaires-priseurs français et des auctioneers anglais. Le code de la propriété intellectuelle ayant été modifié en 1997 pour autoriser la libre reproduction des œuvres dans les catalogues de ventes publiques, cette conclusion est de moindre portée. L’affaire a cependant affermi le rôle des artistes et des sociétés d’auteurs sur le marché.
PARIS - Le 10 février, la Cour de cassation a confirmé un arrêt de la cour d’appel d’Orléans qui avait rejeté, en juin 1995, les derniers arguments présentés par Guy Loudmer, champion de la lutte des commissaires-priseurs contre les restrictions apportées à la reproduction d’œuvres modernes et contemporaines dans les catalogues de ventes publiques.
Il faut rappeler que la Cour de cassation avait pris et réitéré une position de principe interdisant la reproduction des œuvres dans les catalogues de ventes publiques sans l’accord des ayants droit. Cette position résultait de la considération que ces reproductions intégrales, même en format réduit, ne pouvaient être considérées comme des courtes citations, autorisées par le Code de la propriété intellectuelle pour des besoins d’information. Cette position stricte avait rencontré des résistances de la part des cours d’appel, et la Cour de cassation avait dû imposer son interprétation par un arrêt en assemblée plénière (l’équivalent contemporain des lits de justice royaux), de novembre 1993.
En conséquence, Guy Loudmer, mais également Christie’s, avaient été condamnés à verser des droits de reproduction. Pour Christie’s, l’affaire portait sur des montants importants, la société d’auteurs ADAGP ayant mis en avant cette jurisprudence pour demander un “rappel” sur l’ensemble des catalogues diffusés en France, au nom de l’ensemble des artistes qu’elle représente.
Les catalogues d’exposition
Compte tenu de la fermeté de la Cour de cassation, les commissaires-priseurs se sont alors tournés vers le Parlement et ont obtenu une modification du Code de la propriété intellectuelle. Depuis avril 1997, les commissaires-priseurs peuvent librement reproduire les tableaux dans leurs catalogues. C’est dire que le dernier arrêt de la Cour de cassation était de moindre portée.
L’affaire reste toutefois d’importance. D’abord, parce qu’elle conserve effet pour toutes les autres publications, comme les catalogues d’exposition ; on peut toutefois trouver regrettable que les parlementaires n’aient pas tranché en mettant tous les professionnels dans une situation équivalente. Ensuite, parce que les modalités d’application restent à déterminer. Enfin, et c’est sans doute le plus important, parce que l’affaire a permis aux artistes et à leurs ayants droit de s’affirmer comme des experts “légaux”, à parité de pouvoirs avec les professionnels du savoir.
Dans ce sens, si l’épilogue était donc largement démuni d’enjeu, l’affaire aura marqué durablement le marché français de la peinture moderne et contemporaine en consacrant l’influence des artistes et des sociétés d’auteurs.
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Utrillo, la fin
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°61 du 22 mai 1998, avec le titre suivant : Utrillo, la fin