Suisse - École d'art

Un campus à la mesure de la très renommée Head

GENÈVE / SUISSE

À Genève, les étudiants de la Haute école d’art et de design ont fait leur rentrée dans de nouveaux locaux, dotés de moyens techniques et technologiques à même de rivaliser avec les grandes écoles d’art alémaniques.

Vue générale du Campus HEAD : le bâtiment H avec la surélévation ainsi que les bâtiments E et A. © HEAD Genève / Jimmy Roura
Vue générale du Campus HEAD : le bâtiment H avec la surélévation ainsi que les bâtiments E et A.
© HEAD Genève / Jimmy Roura

Genève. Jusqu’à présent, ses locaux étaient disséminés dans la ville, sur sept emplacements ; aujourd’hui la Haute école d’art et de design, ou Head, se déploie principalement sur trois bâtiments dans un même périmètre de 16 000 m2. C’est au début de l’été que ce campus, situé dans l’ancien quartier industriel des Charmilles, a été inauguré. Rénovés et surélevés, deux fleurons de l’architecture industrielle – une ancienne usine de fabrication de machines à coudre restructurée en 1944 et une ancienne usine automobile élevée en 1938 – constituent deux pôles majeurs de l’école : offrant de vastes plateaux de travail éclairés de larges baies, leur visite ressemble à celle d’une ruche, fourmillant de centaines d’étudiants. Si les travaux de restructuration commencés en 2017 tardent à se terminer, la quasi-intégralité des lieux a été investie par les 800 étudiants de l’école. L’achat de ces deux bâtiments industriels ainsi que d’un troisième, classé monument historique, aujourd’hui siège de l’administration et de la bibliothèque, avait été financé par la Fondation Hans Wilsdorf en 2016.

Le résultat ? Une école d’art publique dont les moyens techniques et technologiques mis à disposition de la création du XXIe siècle sont de nature à faire pâlir d’envie les plus grandes écoles européennes, à commencer par celles du territoire suisse – une saine concurrence dans ce monde des écoles d’art longtemps dominé, côté romand par l’Ecal (École cantonale d’art de Lausanne) et côté alémanique par les Hochschulen der Künste de Bâle et Zürich. La Head fait partie du réseau des six « Hautes écoles spécialisées » de Suisse occidentale (HES-SO), un label suisse accordé à une soixantaine d’écoles couvrant des domaines variés (de la santé à la technique et l’économie). Avec un enseignement qui met l’accent sur les arts visuels – tandis que la formation en design de l’Ecal continue à être très bien cotée –, elle a tôt parié sur l’international ; elle accueille 40 % d’étudiants étrangers, issus de 40 nationalités, la France étant de loin la nationalité la plus représentée. Reste à faire exister le nom de la Head au niveau national, notamment du côté suisse alémanique.

Le fruit d’un long passé

Si cette jeune école à l’acronyme accrocheur a une courte histoire officielle (15 ans), elle est le fruit d’un long passé. L’école publique de dessin, l’une des plus anciennes d’Europe, créée en 1748, est son ancêtre en titre. Devenue École des beaux-arts, de grands noms de l’art helvétique s’y forment : des peintres paysagistes Barthélemy Menn et Ferdinand Hodler à Pierre Jeanneret et John M. Armleder. En 1876, une école des arts industriels est fondée. La Head naît en 2007 de la fusion de ces deux écoles bicentenaires : une seule école donc pour des métiers de l’art au sens large. Sur le campus des Charmilles, sept cursus bachelor et quatre masters sont aujourd’hui proposés dans les domaines du cinéma, des arts visuels, de l’architecture d’intérieur et design d’espace, de la communication visuelle, de l’illustration, tandis que le département Design Mode et accessoires (l’une des deux uniques formations en Suisse avec l’école d’art de Bâle) a conservé son ancrage dans le bâtiment historique des arts appliqués tout proche de la gare.

Les regards se tournent à présent vers le BAC, Bâtiment d’art contemporain, qui sera rénové en 2024, et vers le Musée d’art et d’histoire qui compte bien développer son projet de « Musée du futur » dans les locaux historiques voisins que la Head laisse aujourd’hui vacants.

Jean-Pierre Greff, artisan de la Head  

Le temps de la retraite officielle (fixé à 65 ans en Suisse) est venu pour Jean-Pierre Greff. En décembre il passera la main à Lada Umstätter, issue du Musée d’art et d’histoire où elle officiait comme conservatrice en chef des beaux-arts. Une succession accueillie à Genève avec un certain étonnement tant le profil de cette prochaine directrice diffère de l’actuel. C’est en 2004 que ce Français, né en 1957 en Moselle, prend la tête de l’École supérieure des beaux-arts de Genève après avoir dirigé de 1993 à 2007 l’École supérieure des arts décoratifs de Strasbourg. En quinze ans de direction, c’est peu dire que l’école d’art a évolué. Artisan de la fusion des deux écoles dès son arrivée, suivant « l’idée, nous confie-t-il, que le dialogue entre art et design devenait incontournable dans le contexte du champ esthétique contemporain depuis les années 1960 », le directeur est unanimement reconnu pour avoir « transformé son école en incubateur de talents » comme a pu l’écrire le quotidien romand Le Temps en 2017. À son actif, l’entrée de la filière mode au sein de la Head (« cela semblait pour beaucoup improbable depuis Genève », admet-il), la réinvention épistémologique du champ de l’architecture intérieure, le développement du master en Média design et design d’interaction, la création d’une formation en illustration, sans compter l’ouverture de l’école à de multiples collaborations externes, institutions comme entreprises. Au risque d’être accusé d’une boulimie de projets, l’insatiable et déterminé Jean-Pierre Greff aura travaillé à placer l’école sur le terrain politique, au sein de la cité, et à unir le « faire » au « penser » . Selon lui, « ce qui distingue [la Head] des autres écoles, c’est le nombre de projets développés à l’échelle 1:1, c’est-à-dire en vraie grandeur, et non plus comme un espace de simulation ».

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°597 du 21 octobre 2022, avec le titre suivant : Un campus à la mesure de la très renommée Head

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