La sociologue Frédérique Joly analyse le parcours d’aspirants artistes, des amateurs adolescents aux étudiants des écoles supérieures d’art.
L’ouvrage de Frédérique Joly, Élève en école d’art, entre amateur et professionnel, offre une étude de terrain originale, tirée d’une thèse menée pendant six ans. L’auteure, par ailleurs professeure d’arts plastiques, a étudié les publics de dix-sept écoles d’art réparties dans deux régions françaises : le Nord-Pas-de-Calais, avant la fusion avec la Picardie, et l’Île-de-France. Dans la région devenue les Hauts-de-France, l’auteure a interrogé les adolescents de quatre écoles de pratique amateur, qui suivent des cours d’arts plastiques dans le temps extrascolaire, et les étudiants des quatre campus des écoles supérieures d’art (ESA) de la région : Valenciennes, Cambrai et Dunkerque-Tourcoing. Même démarche en Île-de-France, avec six écoles de pratique amateur et les trois écoles nationales supérieures d’art présentes : les Beaux-Arts de Paris, les Arts décos (Ensad) et l’École de Cergy (ENSAPC). Au total, l’échantillon comporte 600 enfants et adolescents et 200 étudiants.
Avec un échantillon aussi large en âge (de 11 à 30 ans) et en profils (de l’amateur du mercredi après-midi au diplômé déjà sur le marché de l’art), l’auteure tente de caractériser les déterminants communs à la pratique artistique, et de mettre à jour les continuités institutionnelles entre formations amateur et professionnelle. L’ouvrage n’est d’ailleurs pas qu’une étude au sens strict, puisqu’il propose des aménagements pour travailler les complémentarités à l’échelle nationale et entre les deux cycles. La thèse est découpée en chapitres thématiques (influence familiale, genre, rapport aux nouvelles technologies, construction du statut d’artiste dans l’inconscient collectif, etc.).
Un schéma social qui se répète
Le travail mené permet d’actualiser quelques textes fondateurs (Pierre Bourdieu, Raymonde Moulin, Pierre-Michel Menger) de la sociologie du secteur artistique : la reproduction sociale est d’autant plus forte au sein des écoles d’art qu’on se rapproche de Paris et de ses écoles prestigieuses. Si les étudiants des Hauts-de-France sont titulaires à 54 % d’un bac général, ils ne sont que 7 % à avoir un père cadre supérieur. En Île-de-France, 72 % des étudiants ont un bac général et leur père sont cadres à hauteur de 52 % ! À ce titre, l’auteure mentionne la vocation des classes préparatoires aux écoles supérieures d’art publiques, présentes dans certaines écoles de pratique amateur visitées (Évry, Issy-les-Moulineaux et Gennevilliers) et destinées à accroître la diversité sociale au sein des écoles supérieures d’art (voir JdA n° 453, mars 2016). Dommage que l’étude ne porte pas précisément sur les étudiants de ces classes, pour mieux illustrer la réalité du changement opéré.
Des données quantitatives montrent que les écoles sont encore loin de la parité, même si elles en ont pris le chemin. En moyenne, il y a 68 % de jeunes filles dans les écoles septentrionales (les pratiques amateur comme ESA) et 58 % dans les écoles franciliennes. C’est davantage sur le taux d’encadrement que les données surprennent encore : 72 % des enseignants sont des hommes dans le Nord-Pas-de-Calais, et 66 % en Île-de-France. Côté amateurs, l’auteure dégage une tendance optimiste : plus le corps enseignant est jeune, plus il est paritaire.
En dehors des données statistiques toujours instructives, ce sont les témoignages d’élèves qui offrent les informations les plus intéressantes. Tout en confirmant le caractère « vocationnel » des études d’art, les entretiens éclairent sur la lucidité des étudiants. « Faire une école d’art, c’est rarement faire le choix d’une profession. C’est d’abord le choix d’un mode de vie (…). Le métier ? Il y en aura plusieurs, mais tous iront ensemble. »
On regrettera certes une édition un peu rapide (style, orthographe) et certaines conclusions hâtives entre écoles régionales et nationales : les ESA du nord ne sont pas représentatives des autres ESA de France (Lyon, Nantes ou Marseille), ni les écoles franciliennes représentatives des autres écoles nationales (Bourges, Limoges, Nancy, Dijon…). Cela n’enlève rien à l’intérêt scientifique du propos, qui offre une intéressante mise en perspective de l’inscription des écoles d’art dans le champ académique traditionnel, aux côtés des autres diplômes de l’enseignement supérieur.
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Typologie des élèves et étudiants en art
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Abonnez-vous dès 1 €L’Harmattan, Logiques sociales, novembre 2016, 304 pages, 32 €.
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°474 du 3 mars 2017, avec le titre suivant : Typologie des élèves et étudiants en art