Siffler en travaillant

Il semble que cette volonté de dominer la nature ne s’était pas complètement éteinte à la fin du siècle dernier puisque David Brognon et Stéphanie Rollin ont déniché dans une brocante un vieux vinyle de 1976 donnant des conseils aux propriétaires de perroquets. Train Your Bird to Talk, le titre de l’installation sonore qu’ils ont imaginée pour l’école élémentaire Pierre Budin, fait référence à ce disque. L’établissement, qui a déjà ouvert ses portes à plusieurs résidences d’artistes, se signale depuis la rue par le néon de Claude Lévêque, proclamant en lettres violettes « J’ai peur ». Cette fois-ci, c’est via les Nouveaux Commanditaires de la Fondation de France et son médiateur, le galeriste Jérôme Poggi, que l’école a souhaité passer commande d’une œuvre. Pour Brognon & Rollin pas question, bien sûr, de « placer une sculpture au milieu de la cour ». Habitués à intervenir dans des lieux assez chargés – salle de shoot, prison, etc. –, ils ont décidé de se mettre à la place des élèves. Devoir d’empathie en fond de classe. La sonnerie retentissante les y a très vite frappés. La changer ? Voilà l’idée. Intéressés par le « silbo », un langage sifflé reconnu patrimoine immatériel de l’humanité par l’Unesco et toujours en usage sur l’île de La Gomera, ils ont enregistré sur place la « traduction » de dix-sept phrases glanées auprès des écoliers (« C’est l’heure de jouer », « À table ! », « Le travail nous attend ! », etc.). En lieu et place de la cloche, la journée est désormais rythmée par des trilles joyeuses que diffusent les haut-parleurs. Des Canaries au quartier de la Goutte d’Or, le silbo étend ainsi son territoire, dans l’espace mais aussi dans le temps, à travers le souvenir qu’en garderont les enfants.