Le Syndicat national des antiquaires et l’Université Paris-Dauphine organisent, les 7 et 8 avril, un colloque réunissant les différents acteurs du marché et des représentants du Parlement et des pouvoirs publics, pour évoquer, dans leur ensemble, les problèmes auxquels sont confrontés les marchés de l’art des différents pays d’Europe. Voici le point de vue de Claude Blaizot.
Quels sont vos objectifs en organisant ce colloque ?
1998 est une année capitale. Il faut prendre à bras le corps les problèmes auxquels est confronté le marché de l’art, et les traiter dans leur ensemble afin que l’Europe reste attractive pour ceux qui souhaitent y conserver des œuvres et ceux qui souhaitent en importer.
Que faudrait-il faire pour réduire les distorsions dont souffrent les pays européens face aux États-Unis ?
Notre inquiétude vient du fait que Bruxelles limite sa stratégie et ses objectifs à une harmonisation des taxes européennes à un niveau assez élevé, alors que sa préoccupation devrait être d’organiser un marché qui soit concurrentiel par rapport aux États-Unis. Cette harmonisation risque d’entraîner un exode hors de nos pays des grandes ventes publiques et du patrimoine, les acheteurs ayant intérêt à vendre là où ils sont le moins pénalisés.
Quelles sont vos propositions tant pour la TVA à l’importation que pour le droit de suite ?
La TVA à l’importation doit être la plus basse possible, et nous souhaiterions qu’elle soit égale à zéro, comme aux États-Unis. S’agissant du droit de suite, il faut encourager et soutenir les jeunes créateurs, mais à la condition que cela ne se retourne pas contre les artistes eux-mêmes. Vouloir élargir l’assiette en portant de cinquante à soixante-dix ans la durée de prélèvement et en établissant une dégressivité risque d’entraîner des ponctions globalement plus élevées que ce qu’elles étaient et de défavoriser ainsi le marché de l’art.
Quels sont les risques de la TVA à l’importation ?
Il n’est pas normal que les collectionneurs européens se voient taxés d’une TVA quand ils rapatrient un objet alors que les Américains, par exemple, ne subissent pas de taxe à l’importation. La meilleure preuve que cette TVA constitue un inconvénient est que les musées ne l’acquittent pas. L’État a donc bien conscience, s’agissant de musées internationaux, qu’il faut les doter d’armes égales. Il faut étendre cette mesure aux collectionneurs.
Quelles critiques portez-vous sur la convention Unidroit ?
Cette convention est inapplicable à l’heure actuelle, puisqu’elle butte sur l’énorme problème du renversement de la charge de la preuve. Jusqu’à présent, dans la législation française, toute personne était présumée innocente. Dans ce cas précis, on renverse la charge de la preuve en demandant au défendeur d’établir la preuve de son innocence. En outre, une convention n’a de valeur que si tous les intéressés l’appliquent. Si seul un quarteron de pays la signe, apparaît le risque d’une délocalisation du marché vers les pays qui ne l’appliquent pas. La convention doit donc être modifiée.
Quelles sont les conséquences de la convention de Washington ?
Des espèces sont menacées ou en voie de disparition, il est donc normal que l’on se penche sur leur sauvegarde tout en veillant à ce que cela ne paralyse pas le marché de l’art pour les travaux de restauration. Il faut s’assurer d’un quota minimum pour l’entretien des objets composés de matières nobles, comme l’ivoire.
Craignez-vous que les œuvres d’art soient soumises à l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF) ?
Les objets d’art ne sont pas actuellement soumis à l’ISF. Si l’on modifie la législation, un coup fatal risque d’être porté au marché de l’art, car les collectionneurs omettront de déclarer ou sous-estimeront les objets, ce qui les rendra invendables le jour où ils voudront s’en séparer. Cette mesure risquerait de freiner l’enthousiasme des collectionneurs et d’affecter la création contemporaine. Depuis que les bijoux sont soumis à l’impôt sur la fortune, les ventes se sont relocalisées à Genève.
Que proposez-vous pour la défense des collectionneurs ?
Un marché ne peut être vivant et soutenu que si les règles du jeu ne changent pas au gré des gouvernements. Les exportations sont soumises à l’heure actuelle à l’obtention d’un certificat de libre circulation. Si l’œuvre d’art est considérée comme un trésor national, il est normal que la France puisse la conserver. Il faut néanmoins que cela se fasse dans le respect du droit du propriétaire, qui ne doit pas être lésé. Son dédommagement doit s’établir rapidement et à un juste prix, c’est-à-dire à un prix international.
Inscriptions : Syndicat national des antiquaires : 01 47 20 31 87
L’accès à la totalité de l’article est réservé à nos abonné(e)s
Pour un marché européen concurrentiel
Déjà abonné(e) ?
Se connecterPas encore abonné(e) ?
Avec notre offre sans engagement,
• Accédez à tous les contenus du site
• Soutenez une rédaction indépendante
• Recevez la newsletter quotidienne
Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°57 du 27 mars 1998, avec le titre suivant : Pour un marché européen concurrentiel