PARIS
Dix chefs d’atelier sur vingt-sept ont quitté les Beaux-Arts de Paris ces derniers mois. Son nouveau directeur a institué des cérémonies de remerciement en leur hommage, une façon de confirmer le modèle pédagogique et de symboliser une nouvelle gouvernance.
Paris. Le 29 avril dernier avait lieu dans l’amphithéâtre d’honneur de l’École nationale supérieure des beaux-arts de Paris (Ensba), la première cérémonie du cycle « Gratitude ». Une initiative lancée par Jean de Loisy pour remercier les chefs d’ateliers ou les professeurs qui ont consacré plusieurs années à enseigner dans l’établissement.
Ce jour-là, anciens élèves, artistes, collègues, étudiants et figures du milieu artistique ou culturel sont venus nombreux pour honorer le départ de Sylvie Fanchon et écouter l’allocution de son confrère Pierre Alféri venu saluer son travail. La salle débordait. La cérémonie organisée le 27 mai pour Patrick Tosani avec Guitemie Maldonado comme celle programmée le 3 juin pour Elsa Cayo devraient connaître le même succès et le même protocole – un discours, suivi d’un don d’une des œuvres de l’artiste à l’école. Une publication des nombreux discours prononcés est également prévue aux éditions Beaux-Arts de Paris.
Pas moins de dix chefs d’atelier sur vingt-sept ont quitté l’école ces derniers mois ou vont la quitter d’ici la fin de l’année. Aux départs de Jean-Michel Alberola, Jean-Marc Bustamante, Elsa Cayo, Sylvie Fanchon, Dominique Gauthier, Tadashi Kawamata, Marc Pataut, Bernard Piffaretti, Emmanuel Saulnier et Patrick Tosani, s’ajoutent ceux de professeurs théoriciens tels Jean-François Chevrier, dont la leçon de synthèse des cours est programmée à l’automne. L’année prochaine ils seront autant à faire valoir leur départ à la retraite. D’ici 2021, c’est donc un nombre considérable d’enseignants qui sera renouvelé. Cette vague de départs, et par voie de conséquence de recrutements, est « historique par son ampleur », souligne l’administration de l’école, et constitue pour son directeur une composante essentielle de sa feuille de route dès sa candidature au poste.
« C’est une nouvelle école qui se profile », souligne Patrick Tosani. « Le choix de Jean de Loisy à la tête de l’Ensba n’est pas étranger à cette perspective », relève-t-on au ministère de la Culture, où l’on rappelle sa candidature malheureuse à la direction de l’école avant de prendre les rênes du Palais de Tokyo. Jusqu’à présent le nouveau directeur de l’Ensba est resté toutefois extrêmement discret sur ses intentions depuis sa nomination le 12 décembre 2018 préférant, avant toute déclaration publique, prendre le temps de rencontrer enseignants, élèves et employés. L’instauration de ces cérémonies de remerciements est à cet égard la première action visible de sa gouvernance, mais est aussi la première du genre dans l’histoire de l’école. Pour l’expliquer, il rappelle « que chaque artiste qui transmet en ces lieux oublie un peu de sa gloire personnelle pour se consacrer aux autres et mérite donc qu’à la fin de son parcours on le remercie », et d’évoquer dans la foulée sa « tristesse » quand il a « su que Giuseppe Penone ou Christian Boltanski sont partis sans qu’on leur exprime l’importance qu’ils ont pu avoir pour des générations d’étudiants ».« Chaque nouveau chef d’atelier ou professeur sera de son côté invité à prononcer une leçon inaugurale », précise Jean de Loisy.
« Après les remous de ces dernières années, ces initiatives repositionnent le statut du chef d’atelier et du professeur de manière centrale au sein de l’institution, leur redonnent une place réellement importante », note Patrick Tosani. L’arrivée de l’ancien directeur du Palais de Tokyo « a pas mal apaisé l’école », constate Sylvie Fanchon. « Il va pouvoir faire avancer la pédagogie. L’Ensba n’est pas qu’un musée, c’est aussi une école où il s’agit d’accompagner des jeunes gens à élaborer et développer pendant cinq ans un langage plastique personnel qui s’adresse au monde », dit-elle.
Régie par un arrêté ministériel de 1990, une refonte de la procédure actuelle du recrutement des professeurs est en cours « en accord avec le conseil pédagogique et le conseil d’administration », précise-t-on quai Malaquais. « Elle vise à la moderniser et simplifier. Elle devrait ainsi permettre de mettre en place une ou plusieurs commissions, selon les disciplines artistiques. » Le 22 mai était la date limite des candidatures. D’ici la fin juin, les commissions de présélection et de sélection se seront organisées, le directeur de l’école président de ces commissions de recrutement procédant aux nominations.
Les dernières campagnes de recrutement ont déjà abouti en 2018 aux nominations de Clément Cogitore, Abraham Cruzvillegas et Frédérique Loutz. Derrière les huit fiches de poste « de professeur et artiste de renommée internationale », en sculpture, dessin, peinture, photographie, performance ou en installation multimédia, se profile une inflexion pour accroître la présence des femmes encore largement minoritaire dans le corps enseignant – sur les 27 chefs d’atelier, neuf seulement sont des femmes. Ce que n’a pas manqué de souligner Sylvie Fanchon dans son allocution le 29 avril dernier en formulant son souhait que lui succède en peinture une artiste femme, bien qu’elle sache qu’aucun chef d’atelier ou enseignant ne participe à la commission de recrutement de son successeur.
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Jean de Loisy remanie l’Ensba en douceur
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°524 du 24 mai 2019, avec le titre suivant : Jean de Loisy remanie l’Ensba en douceur