Jean-Pierre Brard, député-maire de Seine-Saint-Denis, s’apprête à déposer une proposition de loi sous forme d’amendement, tendant à permettre aux propriétaires d’œuvres d’art qui acceptent de les exposer quelques semaines par an de ne pas voir leurs biens culturels intégrés dans l’assiette de l’ISF. Il répond à nos questions.
Pourriez-vous préciser le contenu de votre proposition ?
L’idée est d’élargir l’assiette de l’ISF, de réduire le taux pour les premières tranches, et éventuellement de rajouter des tranches que l’on élargirait. S’agissant de l’intégration des œuvres d’art dans l’assiette de l’ISF, la proposition, qui est récurrente, recouvre plusieurs difficultés. Il ne faut pas, en premier lieu, toucher à la création contemporaine (aux œuvres de moins de vingt ans d’âge par exemple). On pourrait également établir une franchise : en dessous d’un certain plancher, les œuvres ne rentreraient pas dans le seuil de l’assiette. Il serait ainsi possible d’acheter jusqu’à 500 000 ou 1 million de francs d’œuvres d’art, par exemple, sans être taxé. Enfin, ceux qui accepteraient de les présenter au moins six semaines par an seraient exonérés du paiement de l’ISF au titre de ces œuvres. Ces objets appartiennent au patrimoine commun, chacun doit pouvoir les voir.
Pourquoi cette durée de six semaines tous les ans ? N’est-ce pas un peu contraignant ?
Il est préférable d’établir un aspect répétitif. Cela permettrait de démultiplier les lieux où l’on présenterait des œuvres d’art, et cela favoriserait, en outre, une appropriation intellectuelle collective du patrimoine sans remettre en cause la propriété des biens.
Ces œuvres prêtées devront être assurées. Ne s’agit-il pas là d’un moyen visant à les ficher ?
Ceux qui veulent avoir une jouissance égoïste de ces œuvres devront payer. Ceux qui voudront échapper au paiement de l’impôt le pourront en acceptant de les exposer.
En vertu de la franchise que vous établissez, certaines œuvres d’une valeur peu élevée mais d’un réel intérêt artistique pourraient ne pas être exposées.
Il ne peut pas y avoir une multitude de critères. J’établis une différence entre les œuvres/valeur refuge et les œuvres/patrimoine culturel de l’humanité. Ceux qui cherchent à spéculer les gardent en général dans des coffres et ne veulent à aucun prix les montrer ; il est souhaitable que de tels propriétaires soient taxés. En revanche, il n’est pas dans l’intérêt de la Nation de taxer à 100 % les collectionneurs. Il est préférable de créer des conditions favorables qui les amèneront à présenter leurs œuvres.
Vous aviez présenté, en 1988, une proposition similaire.
Cette proposition avait séduit Jack Lang, mais le président de la République n’y était pas favorable. Personne ne discutait les états d’âme du Grand Homme.
Qu’en pense le ministre du Budget ?
Il trouve l’idée intéressante et astucieuse.
Cette mesure va-t-elle rapporter de l’argent ?
Mon objectif n’est pas fiscal mais culturel. Que ceux qui ne veulent pas participer au partage soient mis à contribution me semble de bonne justice.
Cette mesure ne risque-t-elle pas d’induire des non déclarations d’œuvres d’art ?
Il faudra prévoir des sanctions qui dissuaderont de telles dissimulations. Il existe en fait déjà un certain nombre de règles qui sanctionnent la dissimulation des biens face au fisc.
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Exposer pour être exonéré
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°64 du 8 juillet 1998, avec le titre suivant : Exposer pour être exonéré