Qu’il adopte les techniques traditionnelles ou en expérimente de nouvelles, l’encadreur crée, fabrique et restaure des cadres pour le compte de particuliers, galeries ou musées.
En France, quelque 2 200 encadreurs mettent leur savoir-faire au service des particuliers, amateurs d’art, musées ou antiquaires désirant assurer une conservation et une mise en valeur optimale de leurs peintures, dessins, gravures, lithographies, photographies ou affiches. Habituellement titulaires d’un CAP « Encadreur », diplôme que l’on peut préparer en apprentissage ou en formation continue (lire l’encadré), ces artisans d’art manient une large gamme d’encadrements, de matériaux et de techniques. Du bois massif brut, peint, laqué, au bois doré à l’or fin ou recouvert d’un placage de bois précieux, du cadre sculpté au cadre moulé ou en plomb étamé, la palette des baguettes et moulures est très diversifiée. « Il s’agit d’un métier artisanal avant tout, qui s’inscrit dans l’histoire et la tradition du grand goût à la Française », considère Raphaël Barda, directeur de la Maison de la dorure à Paris. Les techniques employées ont toutefois évolué depuis les XVIIe et XVIIIe siècles, grande époque du cadre et de l’ornement dont se réclame ce professionnel. À partir du XIXe, le cadre n’est plus en effet le seul apanage des sculpteurs ornemanistes, la baguette moulée en blanc de Meudon et colle de peau de lapin supplantant le traditionnel cadre en bois sculpté. « Généralement, soit nous achetons les moulures (brutes, dorées, teintées…) au mètre, soit nous fabriquons à partir de nos propres moules – nous en avons environ 300, allant du style Louis XIII à l’Art déco – des cadres aux coins rebouchés (1), plus onéreux mais aussi plus esthétiques », poursuit Raphaël Barda. Mais d’autres cas de figure peuvent se présenter. « Les clients nous apportent parfois des cadres anciens, que nous retaillons, remettons aux dimensions et modifions en fonction du document à encadrer. » Et ce dans le respect des normes élémentaires de conservation : l’œuvre ne doit pas bouger dans son cadre, et être préservée de l’air sans jamais entrer en contact avec le verre. Montée sur un carton au pH neutre, elle est recouverte d’un cache biseauté épais de quelques millimètres, qui l’isole du verre de protection.
Le cadre : une œuvre à part entière
Dans l’atelier d’encadrement et de dorure du Musée du Louvre, sauvegarde et conservation sont les maîtres mots des « techniciens d’art » recrutés sur concours (catégorie B) par le ministère de la Culture (lire l’encadré). Chargés de créer ou de restaurer des cadres pour le département des Peintures et celui des Arts graphiques du musée, ils travaillent en étroite collaboration avec les conservateurs. « Dans le contexte d’une création, nous cherchons avant tout à harmoniser l’époque de la peinture ou du dessin et celle de son futur cadre, sans pour autant faire du “faux ancien”. Notre objectif est de retrouver les techniques et les outils traditionnels, sans tomber dans le pastiche », explique Aline Cymbler, la responsable de l’atelier. Travaillant d’après des modèles anciens ou des prototypes, les encadreurs réalisent ainsi toujours les finitions à la main (à la gouge, au rabot…), sans perdre de vue les exigences de la conservation moderne. Les documents sont ainsi le plus souvent mis sous verre (une protection incolore et antireflet) et, parfois, agrémentés d’une petite grille au revers afin d’éviter un arrachage trop facile. Avant chaque restauration, un constat d’état est en outre effectué. « Considéré comme une œuvre d’art à part entière, le cadre fait l’objet d’une étude historique (recherche de poinçon, marque ou étiquette, dépouillement des archives) et d’une analyse de l’état de conservation (observation des altérations et de la qualité de l’assemblage). On essaye ensuite d’intervenir le moins possible et de préserver l’intégrité du cadre original », ajoute la spécialiste.
Le métier d’encadreur n’est cependant pas uniquement tourné vers le passé, et création ne rime pas toujours avec tradition, comme en témoignent les réalisations de Jacques-Henri Varichon, directeur du Cadre d’or à Paris. Architecte de formation, ce dernier préfère le carton, le plomb ou l’acier au sacro-saint bois, et le Plexiglas, à la fois rigide, léger et incassable, au verre classique. Dessinant lui-même ses baguettes et ses formes, il privilégie une esthétique faite de simplicité ainsi que des techniques innovantes, particulièrement appréciées des musées et des artistes. L’Historial de la Grande Guerre à Péronne a notamment adopté ses sobres encadrements sertis de plomb, idéals pour mettre en valeur ses collections. « Le cadre doit magnifier l’œuvre sans lui voler la vedette », estime l’ancien architecte, également inventeur du « Duplex », un caisson en Plexiglas soudé et habillé de plomb dans lequel vient se nicher l’œuvre, et du « Triplex », un caisson toujours, mais dans lequel on ménage une faible ouverture permettant de changer d’œuvre à l’envi.
(1) c’est-à-dire où les assemblages ne sont pas apparents.
- Le CAP « Encadreur » (niveau 3e) : Centre de formation d’apprentis (CFA) du Comminges, à Gourdan-Polignan (Haute-Garonne), tél. 05 61 94 73 34 ; Centre interprofessionnel de formation pour l’artisanat et les métiers/Chambre des métiers de Loire-Atlantique, Sainte-Luce-sur-Loire, tél. 02 40 18 96 96 ;CFA à Eschau (Bas-Rhin), tél. 03 88 59 00 80 ;CFA à Lyon, tél. 04 72 83 27 28 ;CFA de l’ameublement à Paris, tél. 01 43 72 22 88. - Le concours « Technicien d’art » (niveau bac ou équivalent) du ministère de la Culture : contacter le Bureau des concours, 4, rue de la Banque, 75002 Paris, tél. 01 40 15 80 03, www.culture.gouv.fr/ Pour en savoir plus : - Syndicat national des doreurs encadreurs (SNDE), 10, rue du Débarcadère, 75017 Paris, tél. 01 40 55 13 80. - Lire également « Profession doreur ornemaniste », in JdA n° 185, 23 janvier 2004, et « Profession sculpteur ornemaniste », in JdA n° 169, 18 avril 2003.
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°192 du 30 avril 2004, avec le titre suivant : Encadreur