Apparu sur la scène contemporaine depuis la fin des années 1980, ce porteur de projets exerce un métier pluriel. Organisateur, concepteur et initiateur d’événements, il ferait de l’ombre aux critiques d’arts.
Anglicisme, barbarisme ou snobisme, il y a un peu de tout cela dans l’emploi de ce terme dont le sens échappe au non-initié. Par curateur, il ne faut pas entendre la personne qui va « prendre soin » de l’art contemporain, comme l’indique l’étymologie, mais plutôt y voir un dérivé du mot anglais « curator », qui désigne le conservateur de musée. Traduit en curateur, le terme permet, d’une part, d’éviter l’image galvaudée du conservateur, par définition attaché à une collection, mais aussi de définir un métier hybride. « Par curateur, il faut entendre organisateur, concepteur et initiateur de projets artistiques. Indépendant ou attaché à une structure, son rôle est en principe d’amener des idées et de les défendre avec des productions d’artistes », explique Béatrice Josse, directrice du FRAC Lorraine. L’acception est donc plus vaste mais aussi plus souple, la divulgation de l’art actuel ne passant pas forcément par le mode classique de l’exposition, mais aussi par des interventions dans l’espace public, des happenings, voire des projets dématérialisés. Sa consonance anglophone s’adapte également à la dimension internationale inhérente à de nombreux projets. « Le curatorial est un champ d’étude qui se distingue de celui de l’œuvre d’art comme objet autonome. Il s’entend comme une pratique interdisciplinaire et critique », précise Alice Vergara-Bastiand, coordinatrice de l’École du Magasin, à Grenoble. C’est, en effet, sur le modèle d’un programme du Whitney Museum, à New York, créé en 1968, que le centre d’art du Magasin a ouvert en 1987 une formation spécialisée dans les pratiques dites curatoriales. « L’objectif déclaré était de former des jeunes professionnels pour l’accompagnement des artistes dans le travail de l’exposition, poursuit la coordinatrice. Il faut se rappeler le contexte des années 1980 : l’École est créée à un moment où, avec l’ouverture des centres d’art, la présentation des œuvres polarise l’intérêt. Elle anticipe le marché de l’emploi que les effets de la politique de décentralisation culturelle devraient modifier en substance. Non seulement la proposition de ce pôle de formation à Grenoble recoupe les objectifs politiques français, mais l’accueil très favorable réservé par les professionnels internationaux qui en deviennent les parrains, [prouve le caractère judicieux] de sa réponse à des besoins européens ». Depuis, le réseau s’est largement étoffé en Europe, des cursus du même type ayant été créés au Royal College of Art de Londres, à l’École supérieure d’art visuel de Genève ou encore au Centre d’art De Appel, à Amsterdam. Ils diffèrent toutefois dans leurs finalités selon qu’il s’agisse de programmes universitaires diplômants ou de formations professionnelles. Au Magasin, l’enseignement, d’une durée de dix mois, repose sur une pédagogie « par immersion », souple et à visée productive – la réalisation d’un projet est le fil conducteur de la formation. Celle-ci insiste sur la capacité d’autonomie des élèves qui doivent tisser leur propre réseau international grâce à la possibilité qui leur est offerte de côtoyer les acteurs de l’art (artistes, critiques, curateurs…) et d’organiser leur voyage d’études.
Alliant enseignements théoriques et pratiques, l’École du Magasin permet aussi d’acquérir la maîtrise des outils conceptuels et des techniques de l’exposition. Si elle ne délivre pas de diplôme – elle relève du statut de la formation professionnelle –, cette école permet de pénétrer le microcosme de l’art contemporain, et 79 % des anciens participants occupent aujourd’hui des emplois de longue durée. Ce type de formation ne fera pourtant pas tout. Pour qui veut s’engager dans une carrière curatoriale – profession dont les contours suivent l’évolution des pratiques artistiques –, mieux vaut, en effet, outre une formation en histoire de l’art et une bonne pratique des langues étrangères, être doté d’un esprit d’ouverture et de ténacité. Car il faudra souvent œuvrer en qualité d’indépendant, voguant d’un projet à l’autre, voire bataillant pour promouvoir ses idées auprès de structures de diffusion patentées. Mais ce métier d’homme-orchestre ne risque-t-il pas de supplanter les critiques d’art, traditionnels tenants de la dimension intellectuelle des projets artistiques ? Consciente du danger, l’Association internationale des critiques d’art (AICA) a déjà intégré en son sein des curateurs notoires. Mais elle n’en demeure pas moins attentive à la qualité de l’apprentissage de la critique au sein des formations curatoriales, sujet âprement débattu en octobre dernier, lors du 40e congrès de l’AICA.
- École du Magasin – Centre National d’Art Contemporain, site Bouchayer – Viallet, 155, cours Berriat, 38000 Grenoble ; www.ecolemagasin.com Appel à candidatures pour la session 17 à partir du 1er avril - Université de Rennes II : MST métiers de l’exposition et de l’édition en art contemporain ; www.uhb.fr - Institut Cultural Studies in Art, Media & Design, Postgraduate Course in Curating, Hafnerstrasse 31, 8005 Zürich; http://ics.hgkz.ch - Programme d’études supérieures, Critical curatorial cybermedia, École supérieure des beaux-arts de Genève, Haute École des arts visuels, 2 rue Général Dufour, 1204, Genève, www.centreimage.ch/ccc Curating and commissioning Contemporary Art, Royal College of Art, Kensington Gore, London SW7 2EU, www.rca.ac.uk Curatorial Training Program De Appel, Nieuwe Spiegelstraat 10, 1017 DE, Amsterdam, www.deappel.nl Whitney Independent Study Program, 945 Madison Avenue at 75th Street, New York, NY 10021, New York, www.whitney.org/www/programs Center for Curatorial Studies and Art in Contemporary Culture, Bard College, Annandale-on-Hudson, NY 12504-5000, New York, www.bard.edu/ccs
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°254 du 2 mars 2007, avec le titre suivant : Curateur