Profession

Critique d’art

Par Valentine Buvat · Le Journal des Arts

Le 15 avril 2005 - 709 mots

Armé d’un solide discours d’argumentation, le critique d’art décrypte la création contemporaine et la scène culturelle. Analyste et non pas seulement commentateur, il participe à l’élaboration d’un discours théorique.

Difficile de définir avec précision et exhaustivité le rôle d’un critique d’art. Pour Bénédicte Ramade, qui produit avec Manou Farine l’émission « Ultracontemporain » diffusée sur France-Culture et écrit dans le mensuel L’Œil (édité par Artclair Éditions, tout comme le Journal des Arts), « il est un maillon entre l’historien et le journaliste. Son travail se fonde sur l’analyse. Il défriche la scène artistique non pas tant pour découvrir de nouveaux artistes que pour démêler un écheveau et mettre en perspective, théoriser les problématiques qu’il y perçoit. Un texte critique doit être un espace de réflexion libéré de contingences commerciales. »
Si la presse a longtemps été l’organe privilégié des publications critiques, elle ne leur offre désormais presque plus d’espace. Autrefois amis des journaux populaires, ces textes sont aujourd’hui cantonnés à la presse spécialisée. Et, au sein de ces supports mêmes, la longueur des articles a été depuis une dizaine d’années notablement réduite afin d’en favoriser la rapidité de lecture. Par ailleurs, la nécessité, vitale pour un magazine, d’être en parfaite adéquation avec l’actualité encourage les articles d’accompagnement et de communication, le plus souvent écrits bien avant l’ouverture d’une exposition. Ces deux éléments ont considérablement fragilisé la critique d’argumentation. « Il est très difficile de trouver un support prêt à accepter un regard d’analyse, car souvent, le texte est un peu ardu et s’adresse à un lectorat averti », confirme Bénédicte Ramade.
Rares sont les critiques d’art pouvant affirmer vivre de cette unique activité. Il n’est qu’à observer la liste des 323 adhérents du bureau français de l’Association internationale des critiques d’art (AICA) (1) pour constater que peu sont véritablement indépendants. Beaucoup travaillent dans le cadre d’institutions artistiques ou bien enseignent. « Il y a une contradiction structurelle assez majeure dans le fait que la critique d’art n’a pas de vocation commerciale et qu’en même temps elle ne permet pas d’indépendance économique », constate Christophe Domino, président de l’AICA France et collaborateur du JdA.

Visites d’atelier
Différents champs d’activités s’offrent traditionnellement à la critique d’art, et en premier lieu, l’exposition. Lorsqu’il s’agit d’art ancien, c’est avant toute chose la pertinence de l’accrochage, de la thématique et surtout de l’inscription de la présentation dans un moment donné et contemporain que l’analyste interroge. Quel que soit le sujet de l’exposition, le critique décrit toujours un espace d’expérience qui est ensuite vérifiable par le lecteur.
Il peut également s’intéresser au processus de création et l’accompagner en entretenant des rapports ténus avec des artistes dont il va formaliser les options et les méthodes de travail. « Il ne faut pas oublier que le premier geste du critique d’art est d’entrer dans un discours, de mettre en verbe », rappelle Christophe Domino. À long terme, le critique participe à la mouvance créatrice puisqu’il en est le porte-parole, et finit par associer son identité à celles d’artistes, comme l’a fait Pierre Restany avec les Nouveaux Réalistes. L’écueil principal de ce rapport de proximité est de se muer en une forme de promotion et laisser se mettre en place un jeu d’influences.
Le rôle de commissaire d’exposition indépendant, ou curator, revient souvent à un critique particulièrement spécialiste d’un artiste ou d’un « mouvement ». Les FRAC [Fonds régionaux d’art contemporain], les centres d’art et les galeries font parfois appel à eux pour organiser des expositions. Beaucoup de FRAC comptent d’ailleurs parmi les membres de leurs commissions d’achat des critiques d’art. Cette mission sensible et mal connue met régulièrement en relation critique et marché de l’art.
Exercice difficile et délicat, la critique d’art ne fait l’objet d’aucune formation spécifique. « Une fois acquise une base solide en histoire de l’art, je crois que c’est par la rencontre et la lecture de critiques, par la fréquentation d’expositions en galeries, institutions et centres d’art que l’on forge son sens critique », résume Bénédicte Ramade. Pour Christophe Domino, c’est dans les ateliers et les rencontres avec les artistes que se fonde la critique d’art. Aucun chemin n’est tracé et aucune voie n’est plus légitime qu’une autre pour pouvoir un jour espérer construire et publier son propre discours sur l’art.

(1) www.aica-france.org

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°213 du 15 avril 2005, avec le titre suivant : Critique d’art

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