École d'art

Illustration

Comment la HEAR produit des créateurs internationaux

Par Éric Tariant · Le Journal des Arts

Le 13 avril 2016 - 731 mots

STRASBOURG

Strasbourg est un vivier de jeunes illustrateurs dont la notoriété dépasse parfois les frontières hexagonales. Nombre d’entre eux sont issus de la Haute école des arts du Rhin.

STRASBOURG - Ils sont une bonne dizaine à avoir publié, ces dernières années, leurs dessins dans les colonnes du quotidien The New York Times. Tous ont fait leurs études à la Haute école des arts du Rhin (HEAR), à Strasbourg. Une exposition, baptisée « Fit to print » et dont le commissariat a été confié à Alexandra Zsigmond, directrice artistique de la rubrique Opinion du NY Times, a présenté 120 dessins de 17 artistes issus de la HEAR. « Fit to print », qui s’est achevée le 10 avril, a été hébergée par le Musée Tomi-Ungerer-Centre international de l’illustration de Strasbourg. Les jeunes pousses de la HEAR ont également retenu l’attention, en 2014, de la sélection officielle du Festival international de la bande dessinée d’Angoulême qui a réuni cinq diplômés de l’atelier illustration : Marion Fayolle, Simon Roussin, Benjamin Adam, Nicolas Wild et Fabien Mense.

Créé en 1975 puis dirigé par Claude Lapointe, l’atelier d’illustration de l’École supérieure des arts décoratifs est devenu un vivier d’illustrateurs de renommée internationale. La première génération, qui réunissait notamment Christian Antonelli, Blutch et Marjane Satrapi, a été relayée par de nombreux jeunes talents parmi lesquels Fanny Blanc, Guillaume Chauchat, Mayumi Otero et Raphaël Urwiller…

Dessinateur réputé, spécialisé dans le dessin de presse et l’édition jeunesse, Serge Bloch a intégré l’école en 1976. « L’illustration a explosé dans ces années-là. Les éditeurs commençaient à développer leurs départements d’illustration jeunesse. J’ai trouvé du travail alors que j’étais encore étudiant à Strasbourg, explique le dessinateur. Par la suite, en tant que directeur artistique chez Bayard Presse pendant vingt ans, j’ai eu recours à de nombreuses reprises à des anciens de la HEAR. Leurs diplômés figurent parmi les meilleurs de France. »

Sous la houlette de Claude Lapointe, l’atelier illustration a privilégié l’illustration jeunesse. Guillaume Dégé, qui a pris le relais en 2005, a lui mis l’accent sur l’édition d’art et le dessin contemporain, observe Benjamin Adam, diplômé de la HEAR en 2008.

En France, c’est le seul atelier qui enseigne le langage de l’image narrative et son rapport au texte, depuis le récit jusqu’à la complémentarité de l’image et du texte dans une mise en page, souligne la direction.

Fanzines et microéditions
Le défi de la dizaine d’enseignants qui compose l’équipe pédagogique de l’atelier qui accompagne les 80 étudiants de la promotion ? Faire éclore la personnalité des étudiants sans l’altérer, permettre à chacun de développer son univers, de le nourrir et de l’épanouir. « Les “arts déco” sont un moteur et non un moule. C’est la volonté de matérialiser une ambition éditoriale de A à Z qui prime ici, de la conception inopinée, hors de toute commande, jusqu’à la table étroite d’un salon de petite édition », précise Guillaume Dégé. Ici, les étudiants sont encouragés à travailler ensemble pour faire leurs griffes en réalisant des fanzines. Des fascicules auto-publiés à petit tirage et sans but lucratif qui constituent autant de laboratoires éditoriaux souvent subversifs et parfois novateurs. Une multitude de collectifs éditoriaux (Écarquillettes, Nyctalope, Psoriasis, Belles Illustrations…) a poussé dans les sillons de la HEAR depuis une dizaine d’années. Ces réunions et initiatives éditoriales ont parfois débouché sur la création de maisons d’édition comme « 2024 », ou de microédition à l’exemple de « 3 fois par jour » ou de « Papier machine ». « Les expériences collectives aident à fabriquer des entreprises collectives. La mise en commun d’intelligences, de savoir-faire, ou tout simplement d’envies de jouer renforce les ambitions singulières, l’isolement ontologique de l’illustrateur », poursuit Dégé.

La force de la section illustration de la HEAR tient aussi à l’écosystème strasbourgeois composé notamment du Musée Tomi-Ungerer, du Cabinet des estampes et des dessins des musées de la Ville de Strasbourg, et last but no least, du collectif Central Vapeur, une association d’illustrateurs qui organise des expositions et événements tels que les « 24h de l’illustration » et le « Festival Central Vapeur ». « On a tout à Strasbourg pour que la sauce prenne. Néanmoins, l’écosystème pourrait être mieux accompagné par les collectivités locales, comme à Nantes où une “maison de la bande dessinée et des arts graphiques” va ouvrir ses portes très prochainement », pointe Olivier Bron, diplômé en 2007, cofondateur et coéditeur des Éditions 2024.

Légende photo

Marion Fayolle, La Conscience de soi, 2013, dessin illustrant l’article « Secret Ingredient For Success » paru dans The New York Times le 20 janvier 2013, transfert d’encres et encre de Chine sur papier, 40 x 55 cm, collection de l’artiste. © Marion Fayolle.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°455 du 15 avril 2016, avec le titre suivant : Comment la HEAR produit des créateurs internationaux

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