Une Vénus de 23 000 ans découverte à Amiens

23000 av. J.-C. Durant un automne de cette période du Paléolithique supérieur, un groupe de chasseurs-cueilleurs installe un campement à la confluence des vallées de la Somme et de la Selle (actuel quartier de Renancourt à Amiens). Pendant plusieurs semaines, ces femmes et ces hommes vont occuper le site, vivre et chasser sur la « steppe à mammouths », entourés de mammouths laineux, de rennes, de lièvres polaires et de chevaux. Produisant toute une série d’outils lithiques, mais aussi des statuettes en craie, ils quittent le campement une fois l’automne passé et laissent derrière eux les vestiges de leur occupation, recouverts au fil du temps par quatre mètres de strates géologiques.

1910 Victor Commont (1866-1918), professeur de sciences naturelles, géologue et archéologue local, mène des campagnes de fouilles stratigraphiques et archéologiques dans la vallée de la Somme. En 1905, Commont a découvert à Saint-Acheul une importante industrie lithique confirmant les datations de l’acheuléen, période fondamentale dans l’étude du Paléolithique. À Renancourt, distant de quelques kilomètres, il fouille en 1910 un foyer et met au jour un millier de vestiges lithiques. À sa mort en 1918, on perd malheureusement la trace de cette collection.

2011 La métropole d’Amiens souhaite implanter une ZAC à Renancourt sur un terrain de plus de 50 hectares. Conduite par l’Institut national de recherches archéologiques préventives (Inrap), une campagne de diagnostic et de sondages archéologiques identifie des zones d’intérêt. Elle aboutit à la découverte d’une nouvelle concentration de vestiges à proximité immédiate des premières fouilles de Commont. À la suite de ce diagnostic positif, un projet de fouilles est programmé, associant l’Inrap, le CNRS et le service d’archéologie de la direction régionale des Affaires culturelles des Hauts-de-France.

2014 Lors d’une de ces fouilles, les archéologues découvrent une statuette en craie d’une femme en nudité, datée du Paléolithique supérieur (vers 23000 av. J.-C.), issue de la culture gravettienne. Bien que très fragmentaire, cette statuette est capitale pour les chercheurs : le dernier spécimen découvert en contexte archéologique date de 1959, et l’on ne connaît qu’une quinzaine de statuettes gravettiennes sur le sol français, une petite centaine sur le territoire qui s’étend de l’Oural à l’Atlantique. Les campagnes annuelles suivantes livreront une quinzaine d’autres statuettes, plaçant Renancourt au centre de l’étude de ces « Vénus » du Paléolithique.

2019 En juillet, l’équipe d’archéologues met au jour une statuette de 4 cm de hauteur. D’une grande qualité de taille, dotée de proportions plastiques remarquables et pourvue d’une rare coiffe finement ciselée, cette Vénus est exceptionnelle. À ce degré d’exécution, elle a trois illustres cousines : la Vénus de Lespugue (Haute-Garonne), la Dame à la capuche de Brassempouy (Landes), et la Vénus de Willendorf (Autriche), autres statuettes gravettiennes dites « stéatopyges » [présentant de grosses fesses]. Sa découverte relance la réflexion sur la production, la signification et l’usage de ces statuettes. « La recherche est très compliquée quand on approche la pensée symbolique, explique Clément Paris, responsable de la fouille pour l’Inrap. Actuellement on pense qu’elles sont l’expression de la femme et de la fécondité. Avec l’analyse du site, on va essayer d’amender ou de spécifier cette hypothèse. » Après une étude complète, la Vénus rejoindra les collections du Musée de Picardie à Amiens.