Depuis la Révolution de velours et l’ouverture des frontières tchèques, les vols d’objets d’art et d’antiquités se sont développés dans des proportions alarmantes. Mais l’ensemble des mesures prises par les pouvoirs publics et la police a commencé d’enrayer le processus : création d’une banque de données, modernisation des systèmes de sécurité, campagne de sensibilisation publique – financée en partie par Kodak – et arsenal législatif.
PRAGUE - La nouvelle criminalité dans le monde de l’art "est liée au trafic international de drogue et d’armement", selon Pavel Jirasek, chef de la sécurité au ministère tchèque de la Culture. On est passé de 79 vols d’objets d’art en 1989, à 4 369 entre 1990 et octobre 1994. Ces statistiques ne comptabilisent que les vols effectués dans des "bâtiments fermés", et ne prennent pas en considération les disparitions constatées chez des collectionneurs privés, sur des sites archéologiques ou encore dans des cimetières (en 1993, plus de 380 cimetières ont été pillés). De plus, ces chiffres correspondent uniquement aux déclarations de vol, et non au nombre d’objets effectivement volés.
Pavel Jirasek estime que depuis 1990, entre 15 000 et 20 000 œuvres d’art ont été volées chaque année, et qu’un nombre équivalent d’antiquités a quitté le pays en contrebande, essentiellement vers l’Autriche et l’Allemagne. Parmi elles, une toile de Bellotto, Vue de Milan, des manuscrits inestimables de la Bibliothèque nationale de Prague, et une toile de Thomas Ruweid, Le Christ pliant sous le poids de la croix, de 1614, volée dans une église en janvier 1992.
Environ 90 % des vols d’œuvres d’art recensés dans la République tchèque concernent des icônes religieuses et des objets dérobés dans des églises ou des monastères : le nombre total de madones gothiques volées et expédiées à l’étranger depuis 1990 serait plus important que le nombre de celles restant dans le pays.
Pourtant, le taux d’objets d’art volés a diminué grâce à une série de mesures préventives. En 1991, le ministère de la Culture, en collaboration avec le ministère de l’Intérieur et la police, a commencé d’installer des systèmes de sécurité dans les galeries, les châteaux, les musées nationaux ainsi que dans les églises. Le budget accordé à ce programme atteindrait cette année environ 50 millions de couronnes (9 millions de francs). En 1991, le ministère a également commencé de créer une banque de données recensant les œuvres d’art et les trésors religieux les plus importants du pays. En 1992, il a entamé une collaboration avec le Département des objets d’art disparus, grâce à la branche tchèque de l’agence de sécurité Pinkerton, qui a versé les 1 000 dollars (5 500 francs) nécessaires à l’opération.
Enfin, en 1994, Kodak a financé, en collaboration avec le ministère de l’Intérieur, une campagne d’information publique afin d’encourager les gens à photographier et à recenser les œuvres d’art et les antiquités en leur possession. Mais la mesure la plus importante a été le vote de nouvelles lois, en mars 1994, réglementant le commerce et l’exportation des œuvres d’art : le commerce intérieur d’objets archéologiques et religieux est soumis à l’obtention d’un certificat délivré par un comité d’experts, et tout objet quittant le pays doit être accompagné d’un certificat d’exportation.
Si le certificat est refusé, le ministère de la Culture obtient alors le droit d’acheter l’objet en question au maximum à 80 % de sa valeur estimée sur le marché. Le budget dont dispose le ministère à cet effet est cette année de 15 millions de couronnes (2,8 millions de francs), soit une augmentation de 50 % par rapport à l’an passé. "Ces lois ont eu un effet fort appréciable sur le contrôle du marché", explique Pavel Jirasek. Malgré toutes ces mesures, le taux de récupération d’objets d’art volés ne dépasse guère 5 %.
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Une prévention efficace
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°11 du 1 février 1995, avec le titre suivant : Une prévention efficace