Le Salon du dessin se déroule à Paris du 22 au 27 mars. Trente galeries triées sur le volet y dévoilent leurs plus belles feuilles. Ancré sur l’art ancien, l’événement peine à accueillir l’art moderne.
Efficace, énergique, démocratique..., le bréviaire des qualités du Salon du dessin, à Paris, défie les grincheux. Forte d’une bonne clientèle étrangère, cette foire small but beautiful [petite mais superbe] attire jusqu’aux pointures étrangères. Alors que Jean-Luc Baroni (Londres) a choisi de ne plus participer aux foires, se retirant même de Maastricht, il reste fidèle au palais Brongniart. « J’ai particulièrement ce salon à cœur. J’y tiens, et ils tiennent aussi à moi », observe-t-il. Parmi les pièces phares de son stand figure cette année le dessin représentant la tête de saint Joseph d’Andrea Del Sarto, acheté en juillet 2005 chez Christie’s. Une œuvre apportée juste pour le plaisir des yeux, car le marchand avait alors enchéri pour l’un de ses clients.
2006 marque le retour d’Éric Coatalem (Paris) après une mise en quarantaine, à la suite d’escarmouches avec ses confrères. « Rambo III revient, plaisante le marchand de la rue Saint-Honoré. Ils m’ont refusé il y a deux ans. Ils m’avaient proposé de revenir l’an dernier, mais cette fois c’est moi qui ai refusé. On est à 1 partout, balle au centre, on recommence ! » Pour la peine, Coatalem joue la carte de l’inédit. Au détour d’un petit bataillon de Klimt, on remarque une huile sur papier de Géricault représentant deux croupes de chevaux (plus de 200 000 euros). Géricault se décline aussi sur les cimaises de la galerie Didier Aaron & Cie (Paris) avec Le Caisson d’artillerie (environ 170 000 euros).
Si le symbolisme version british avait été la marotte de l’édition 2005 avec une litanie d’œuvres d’Edward Burne-Jones, la récurrence portera cette année sur Léon Spilliaert. Patrick Derom (Bruxelles) propose un dessin de 1910, Le Hangar du dirigeable (250 000 euros), tandis qu’un spécimen des femmes d’Ostende (1909) est à saisir chez Antoine Laurentin (Paris). Coatalem n’est pas en reste avec une marine rouge et bleu de 1922 (plus de 55 000 euros). De même, Rodolphe Bresdin, un dessinateur fascinant du XIXe siècle, se retrouve aussi bien chez Prouté (Paris), Terrades (Paris), Jill Newhouse (New York) que Jean-François Baroni (Paris). Une recrudescence étonnante pour un artiste rarissime !
« Pour des feuilles intimes »
Jusqu’à présent, la foire avait traîné des pieds pour s’ouvrir au XXe siècle. « La clientèle est très classique, mais le salon a tout fait pour qu’il en soit ainsi. Les conservateurs invités sont des spécialistes de dessins anciens. On a complètement oublié le moderne dans cette affaire », regrette Anisabelle Berès (Paris). Les organisateurs ont légèrement desserré la bride en accueillant cette année les Parisiens Sagot-Legarrec et Zlotowski. La foire a même discrètement révisé ses statuts en plaçant le butoir à 1970, contre 1950 l’an dernier. Elle ne pousse toutefois pas jusqu’au contemporain ! Celui-ci s’insinue pourtant à la dérobée, via un stand confié aux travaux des étudiants de l’École nationale supérieure des beaux-arts de Paris. N’est-il pas possible de faire sauter le verrou pour intégrer des exposants plus contemporains ? « On ne veut pas grossir le salon. Trente, c’est déjà un grand nombre, car les dessins ont besoin de regards rapprochés, d’intimité », affirme Hervé Aaron, président de la Société du dessin. Bien que les marchands spécialisés dans le XIXe, comme Brame & Lorenceau (Paris), s’aventurent davantage dans les travées du XXe, d’autres galeries plus classiques campent sur leurs positions. « On ne va pas faire une fuite en avant vers le XXe siècle. Il vaut mieux être repéré dans l’ancien que se perdre dans le moderne sous prétexte qu’on trouve difficilement des pièces », défend Louis de Bayser (Paris), lequel prévoit une vue de Paris par un artiste flamand du XVIIe siècle, Lieven Cruyl (150 000 euros). De son côté, la galerie Terrades offre un accrochage plus ancien que d’habitude avec un dessin d’Edme Bouchardon évoquant le Vent du Septentrion, issu de la collection Mariette.
Le salon a beau être un moment commercial fort, la moyenne des transactions navigue entre 15 000 et 30 000 euros. Ce constat a poussé Jill Newhouse à apporter des pièces moins onéreuses que lors de l’édition précédente. « On peut vendre un dessin cher à un musée, avance-t-elle. Mais, peut-être parce que l’an dernier fut ma première année, je n’ai rencontré qu’une poignée de privés. J’aurai cette année plus d’aquarelles, de plus petits dessins. C’est une foire pour des feuilles intimes. »
Un Salon noyé
Derrière la bonhomie ambiante pointent aussi quelques crispations. « Le Salon du dessin était magique quand il était seul, souligne Antoine Laurentin. Maintenant, ce qui importe, c’est la Semaine du dessin. Le Salon reste fort, mais noyé par des événements dont le battage médiatique ne se justifie pas. » Pour recentrer l’intérêt, les organisateurs ont lancé cette année un colloque sur le thème de l’artiste collectionneur. Il faudra plus que ce gadget médiatique coûteux pour rallier les troupes et éviter l’ascendant, de plus en plus modeste il est vrai, des ventes publiques.
Qui dit ventes publiques pense à Bruno de Bayser, auquel plusieurs exposants reprochent d’avancer sur tous les fronts. Expert dans les vacations orchestrées en parallèle au Salon, il est aussi présent à la Bourse avec sa galerie. « Ce sont deux activités distinctes. Il n’y a pas de confusion dans notre esprit », réplique Louis de Bayser. La double casquette ne fait pas moins des Bayser les grands gagnants de la semaine.
- Président de la Société du Salon du dessin : Hervé Aaron - Nombre d’exposants : 30 - Nombre de visiteurs en 2005 : environ 15 000
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Une lente ouverture au XXe siècle
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Abonnez-vous dès 1 €22-27 mars, palais de la Bourse, place de la Bourse, 75002 Paris, www.salondudessin.com, les 22, 24, 25, 26 et 27 mars 12h-20h30, le 23 mars 12h-22h.
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°233 du 17 mars 2006, avec le titre suivant : Une lente ouverture au XXe siècle