Avec « Le siècle du jazz », le Musée du quai Branly marque son ouverture aux grandes présentations historiques, dans la lignée de celles organisées au Centre Pompidou.
En germe dans l’esprit du philosophe, critique d’art et de jazz Daniel Soutif depuis de nombreuses années (lire p. 16), l’idée d’une exposition autour du jazz a véritablement pris corps en 2005, en Italie. Gabriella Belli, directrice du MART (Musée d’art moderne et contemporain de Trente et Rovereto), a alors décidé de produire et présenter ce projet qui touche aussi bien à la musique qu’au cinéma, aux arts plastiques qu’au graphisme. Peu après, le Centre de culture contemporaine de Barcelone (où la manifestation sera ensuite présentée) et le Musée du quai Branly, à Paris, rejoignaient l’aventure.
L’événement offre l’occasion au musée parisien de s’illustrer dans un genre nouveau, celui de la grande exposition historique et pluridisciplinaire, là où on attendait plutôt une institution comme le Centre Pompidou. « Notre collection est un point de départ et non une fin. Il s’agit d’enfoncer le clou de l’Histoire tout en cessant de l’opposer aux principes de l’ethnologie, explique Stéphane Martin, président du Musée du quai Branly. Nous ne voulons pas faire de ce lieu un musée ethnographique traditionnel, où l’on administre des leçons sur le fonctionnement de l’humanité. Cette approche n’a plus de sens. Nous essayons plus d’évoluer dans un esprit proche de celui d’une maison de la culture, avec une série de propositions dialectiques et en marquant une différence de ton par rapport aux autres institutions. » La proposition de Daniel Soutif est en ce sens significative. Il s’agit de la plus ambitieuse depuis l’exposition d’ouverture du musée, en 2006, « D’un regard l’Autre », confiée à Yves Le Fur. Mise en scène par Reza Azard (agence Projectiles), « Le siècle du jazz » occupe l’intégralité des espaces temporaires du rez-de-chaussée, soit 2 000 m2, et réunit plus de 1 000 numéros : photographies, partitions, affiches, pochettes de disque, revues, magazines, livres, peintures, films, dessins animés, enregistrements sonores… Au total, dix-sept sections scindent le parcours le long d’une vaste timeline, fil conducteur chronologique qui conduit le visiteur de « L’archéologie du jazz » à la période contemporaine, en passant par « Harlem Renaissance (1917-1930) », « Les années Swing (1930-1939) », « Le Bebop (1945-1960) » ou « La révolution Free (1960-1980) ». Les vidéos de Christian Marclay – sa Guitar Drag (2000), reprend à son compte le thème du lynchage à travers l’agonie d’une guitare –, Lorna Simpson (Easy to Remember, 2001) ou Anri Sala (Long Sorrow, 2005) poussent la démonstration jusqu’aux années 2000. Mais c’est à Jeff Wall que revient le mot de la fin avec sa photographie présentée à l’intérieur d’un caisson lumineux de 2,50 mètres de long et inspirée du célèbre roman de Ralph Ellison, Invisible Man (1952). L’artiste fait allusion au prologue et met en scène le personnage principal réfugié dans une cave lors d’émeutes, en train d’écouter Louis Amstrong, What Did I Do to Be so Black and Blue ? Au centre de l’image : un phonographe qui diffuse le morceau. Ce que l’artiste nous fait voir ici, explique Daniel Soutif, c’est la musique. Une image « à écouter » en somme, tout comme l’exposition du Musée du quai Branly.
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Une exposition à écouter
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°299 du 20 mars 2009, avec le titre suivant : Une exposition à écouter