Créé en 1997 pour une durée de cinq ans, le dispositif emplois jeunes a rencontré un vif succès dans le secteur de la culture. À l’approche de l’échéance des premiers contrats, une inquiétude et un mécontentement grandissants se font jour chez les principaux intéressés qui redoutent de voir disparaître leurs emplois malgré la rallonge récemment accordée par Élisabeth Guigou, ministre de l’Emploi et de la Solidarité.
PARIS - Dès le lancement du programme emplois jeunes, le secteur de la culture s’est rapidement saisi de cette nouvelle aide financière consentie par l’État. Plus de 15 000 jeunes ont en effet été recrutés par des organismes, majoritairement des associations, relevant de ce secteur. Ils représentent 11 % des salariés inscrits dans le dispositif global, ce qui est un chiffre élevé au regard du nombre relativement modeste des 300 000 emplois recensés dans cette filière. Mais le succès du programme ne saurait cacher les failles d’un système qui peut se révéler plus pervers qu’il n’y paraît. Le dispositif, qui a été conçu à l’origine pour offrir à des jeunes une première expérience professionnelle et pour susciter la naissance de nouveaux métiers, semble surtout révéler la détresse d’un secteur qui manque de moyens financiers. Vincent Blouet, secrétaire national de la CGT Culture, souligne le paradoxe et l’incohérence du système : “Le dispositif a en fait été détourné. Il ne s’agit pas, dans la plupart des cas, d’emplois émergents mais de postes qui servent de supplétif au problème des sous-effectifs. Les collectivités territoriales, et les établissements publics sont dans l’illégalité. Lorsqu’un contrat est passé de façon irrégulière, le salarié est en droit de réclamer devant les tribunaux la requalification de son contrat en durée indéterminée. Il est évident que si ces emplois sont reconduits, c’est qu’ils répondent à un réel besoin. Nous souhaitons donc que les emplois jeunes soient intégrés à la fonction publique par le biais de concours spécifiques et que des subventions soient accordées aux associations.” Incapables de supporter le coût d’un poste salarié à plein temps, les structures ont, il y a quelques années, fait largement appel aux objecteurs de conscience ; la source étant tarie, les emplois jeunes ont pris le relais. Plus diplômés et d’une moyenne d’âge plus élevée que dans les autres secteurs, les emplois jeunes travaillant dans la culture constituent souvent une main-d’œuvre surqualifiée et sous-payée, et même s’ils se sont rendus indispensables, les perspectives de pérennisation de leurs postes demeurent sombres. “Les emplois jeunes effectuent un vrai travail. C’est également pour nous un véritable investissement en temps et en énergie, car nous devons les former. Même s’ils sont pour la plupart titulaires d’un bac 5, et le niveau ne fait que s’élever, ils doivent acquérir une expérience de terrain. Malgré tous ces efforts réciproques nous n’avons pas la certitude de pouvoir les employer au bout des cinq ans”, déplore Chantal Cusin-Berche, directrice du Centre d’art de la Ferme du Buisson et de l’Association des directeurs de centres d’art.
Conscient semble-t-il de ce dilemme, le gouvernement vient d’annoncer un prolongement du dispositif d’aides, au cas par cas. Les associations, premiers employeurs du programme, qui n’auraient pas au terme des cinq années réussi à trouver les conditions financières du maintien de leur emploi jeune, devraient se voir attribuer un soutien financier de 70 000 francs par an en moyenne sur un plan pluriannuel de trois ans sous réserve que le poste créé réponde à certaines conditions (utilité sociale, nouveau métier). “Ce que le gouvernement propose ce n’est pas une pérennisation de nos emplois mais une pérennisation du système emplois jeunes”, explique Fanny Poussier, médiatrice culturelle à la Criée (service culturel municipal à Rennes), titulaire d’un DEA d’arts plastiques embauchée en tant qu’emploi jeune en 1999. “C’est un statut intermédiaire et précaire, car pour la plupart des personnels emplois jeunes dans la Culture, on ne trouve pas de grille salariale ou de concours correspondant à nos métiers. De plus, l’intérêt de mon travail et l’épanouissement personnel que j’y trouve ne doivent pas compenser la faiblesse de la rémunération”, ajoute-t-elle. Même son de cloche pour cet autre emploi jeune, assistant documentaliste dans un Frac, qui avoue être payé bien en dessous de ce qu’un documentaliste touche généralement. Mais l’ensemble de ces difficultés ne doit pas masquer un autre problème majeur qui ne va pas manquer de se poser à la sortie du dispositif : la raréfaction des postes pour les candidats n’ayant pas le profil des emplois jeunes “Il serait bon que la filière culturelle réfléchisse à l’ensemble des statuts de ses membres : fonctionnaires, vacataires, contractuels... La réflexion sur la pérennisation des emplois jeunes est un problème global, qui ne peut exister dans ce seul contexte. Ce qui est en cause c’est la précarisation de tout le secteur”, conclut Marie Rouhète, responsable chargée des publics à la villa Arson à Nice et présidente de l’association “Un moment voulu”.
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Un vrai travail
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°130 du 29 juin 2001, avec le titre suivant : Un vrai travail