Une recherche entreprise par le musée Van Gogh d’Amsterdam révèle dix-neuf toiles inconnues, sous la couche de peinture d’œuvres postérieures. Les résultats des experts ont dépassé les expériences des chercheurs.
AMSTERDAM - Parmi les cent trente huiles de Van Gogh photographiées aux rayons X par le Musée Van Gogh d’Amsterdam, dix-neuf d’entre elles masquaient des toiles antérieures. On sait maintenant que l’artiste a souvent réutilisé des toiles lorsqu’il était à cours d’argent. Les œuvres ainsi redécouvertes comprennent en particulier deux portraits de femme, et une nature morte peinte par Van Gogh en hommage à son père.
Autoportrait du peintre avec une pipe et un verre daté du début de 1887, cachait une femme, le sein gauche nu, le sein droit couvert par un châle. Ses cheveux bruns relevés et sa bouche rappellent un tableau de la collection Barnes. Il s’agit peut-être d’une prostituée rencontrée à Paris, à laquelle faisait allusion Émile Bernard lorsqu’il parlait de la fille des rues à qui Vincent avait demandé de poser pour lui.
Sous le portrait Agostina Segatori du Tambourin, les rayons X ont révélé un buste de femme au visage rond et aux lèvres pleines, les cheveux coupés court. Cette première peinture a été grattée et la toile réutilisée pour le portrait réalisé en février 1887. Rianne Norbart, du Musée Van Gogh, estime que l’artiste a peut-être effacé ainsi le souvenir d’une ancienne maîtresse, "comme on jette parfois la photo d’une amante dont on s’est séparé". Agostina Segatori, avec qui le peintre a probablement eu une liaison, aurait remplacé celle qui l’avait précédée dans la vie du peintre comme dans son œuvre.
On savait, grâce à une petite esquisse en couleur envoyée à Théo, que Vincent avait peint une nature morte au début d’avril 1885, une semaine après la mort de son père; elle représentait un vase de fleurs avec la pipe et la blague à tabac de son père. Le tableau se cachait sous une autre nature morte, Nature morte aux pommes peinte à Nuenen en septembre 1885. Par rapport à l’esquisse, il s’est enrichi d’un détail, quelques fleurs tombées à côté de la pipe. Cette œuvre préfigure la célèbre toile de la pipe et de la blague à tabac de Vincent, posées sur une chaise, thème que le peintre associait à la mort.
Des repentirs
Dans une lettre à son frère de juin 1885, Van Gogh mentionnait une toile d’une maison qui représentait à l’origine un berger. On a retrouvé ce dernier, entouré de son troupeau, à peine esquissé, sous la toile intitulée Maison au crépuscule. L’artiste aurait trouvé sa première composition un peu gauche. Il était d’ailleurs rarement satisfait de ses premiers jets.
Les rayons X ont également permis de dater l’un de ses tout premiers autoportraits, l’Auto-portrait au feutre noir derrière le chevalet, peint à Nuenen, Anvers ou Paris, selon différents experts. On sait maintenant qu’il a été réalisé à Paris, au cours de l’été 1886. Le repeint représente un paysage montmartrois avec un moulin à vent, probablement celui de la Galette. La maladresse de la composition explique sans doute l’abandon de Van Gogh.
"Les résultats ont dépassé nos espérances", se félicite Sjaar van Heugten, qui dirige la recherche. Le détail des dix-neuf repeints figurera dans la première livraison du Livre de l’Année dont le Musée Van Gogh entreprend la publication. On peut espérer que les découvertes du musée encourageront d’autres collections à suivre son exemple.
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Un Van Gogh peut en cacher un autre
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°3 du 1 mai 1994, avec le titre suivant : Un Van Gogh peut en cacher un autre