Belgique - Musée

Kim Oosterlinck : « Montrer au public qu’il n’a pas encore tout vu »

Par Gilles Bechet, correspondant en Belgique · L'ŒIL

Le 27 décembre 2024 - 614 mots

Directeur des Musées royaux des beaux-arts de Belgique depuis juillet 2024, il détaille ses ambitions pour l’ensemble muséal, en phase avec son époque et les questions de société.

Quels seront les premiers changements visibles aux Musées royaux ?

Nous entamons de grands travaux de rénovation dans les « extensions » qui nous servent pour l’instant de dépôt. Pour cela, certaines sections seront inaccessibles et seul le Musée d’art ancien restera ouvert. J’ai donc demandé aux conservateurs de réfléchir au parcours de ce musée pour en faire un parcours de musée des beaux-arts couvrant les périodes du XVe au XXIe siècle et sortir du cloisonnement qui avait été la règle jusqu’à présent.

Ce décloisonnement permet-il des regards différents sur les œuvres ?

Oui, je pense qu’il est intéressant de voir comment les œuvres de différentes époques s’influencent. Parfois on ne voit pas directement des éléments d’influence, mais on les devine par la confrontation. Cela permet aussi d’aborder des thématiques de manière transversale, différemment appréhendées par les artistes au cours du temps.

Vous voulez aussi attirer un nouveau public, notamment en renforçant la diversité et l’inclusion dans les œuvres que vous montrez…

Nous avons encore beaucoup de travail à faire sur l’inclusion, sur ce qu’est un musée des beaux-arts. La Belgique a évolué : comment montre-t-on cette diversité ? Tout cela fait aussi partie des choses sur lesquelles on doit travailler.

Avec des conséquences sur la politique d’acquisition ?

Effectivement, j’ai demandé aux conservateurs de signaler les lacunes dans leur période. Cela peut concerner un artiste important, ou un type d’œuvre que nous n’avons pas. Il peut s’agir de lacunes plus structurelles, liées au genre par exemple. L’idée est de consacrer nos maigres budgets d’acquisition à renforcer la cohérence dans la collection.

Cela passe-t-il par un autre regard sur des pièces de la collection, jamais ou peu montrées ?

De manière générale, on ne montre qu’une petite fraction de nos collections. Les conservateurs vont donc intégrer à leur réflexion sur le parcours muséal le principe d’une rotation tous les deux ans d’environ 10 % de la collection sur la base d’une thématique pouvant offrir un nouveau regard. En évoquant la liberté, par exemple, on peut voir comment celle-ci est exprimée sur telle et telle période, et par quels tableaux. De fait, on les regardera différemment. C’est aussi un moyen pour moi de montrer au public, belge et international, qu’il n’a pas encore tout vu.

Votre parcours est assez éclectique. Cet éclectisme a-t-il donné lieu à une approche plus transversale ?

Il y a une volonté d’être plus interdisciplinaire, de croiser les regards, de ne pas uniquement adopter un regard d’historien de l’art, mais aussi de réfléchir à l’histoire sociale des arts, pour une réflexion plus globale sur l’objet. Mener des réflexions qui vont de la provenance à la conservation en passant par les techniques non invasives pour comprendre les créations des œuvres d’art.

Arrêté Chaptal

C’est à la suite de la signature de cet arrêté par Napoléon Bonaparte créant 15 musées départementaux, dont un à Bruxelles qu’est née la première incarnation des futurs Musées royaux des beaux-arts de Belgique, le 1er septembre 1801, il y a de cela 224 ans.


24 000

C’est le nombre d’œuvres qui composent les collections des Musées royaux des beaux-arts de Belgique, parmi lesquelles une majorité est sur papier, dont plus de 9 000 œuvres modernes et près de 4 000 anciennes.

 

« De nombreux défis attendent le monde muséal qui poursuit une mue profonde depuis deux décennies. Au cours des prochaines années, les Musées royaux des beaux-arts de Belgique vont aborder un redéploiement au gré d’importants travaux qui représenteront une période transitoire aussi difficile que passionnante. » Claire Leblanc, directrice du Musée d’Ixelles, 03/05/2024

Kim Oosterlinck
(50 ans), licencié en histoire de l’art et archéologie, et docteur en économie et gestion de l’université libre de Bruxelles (ULB), y a occupé une chaire en gestion culturelle (2006-2011), avant d’en être nommé. vice-recteur en 2017. Il a pris une part active au projet « ProvEnhance » consacré à la recherche sur la provenance des œuvres d’art acquises en Belgique autour de la Seconde Guerre mondiale.

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Cet article a été publié dans L'ŒIL n°782 du 1 janvier 2025, avec le titre suivant : Kim Oosterlinck : « Montrer au public qu’il n’a pas encore tout vu »

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