Pour la deuxième année consécutive, le dessin ancien et moderne et le dessin contemporain font salon à part. Mais le médium s’expose partout en force.
Malgré les appels du pied du tout jeune Salon du dessin contemporain pour un rapprochement physique des deux manifestations, le regroupement souhaité ne se fera pas. Pour sa 27e édition, le Salon du dessin poursuit son aventure de son côté au Palais de la Bourse, à Paris. « Je ne vois pas d’intérêt phénoménal à fusionner les deux salons qui ont autant de points communs que la FIAC et la Biennale des Antiquaires. De plus, nous souhaitons conserver notre format intimiste, dans ce lieu auquel nous sommes désormais attachés et qui n’est pas extensible », expose Hervé Aaron, président de la Société du Salon du Dessin. En grignotant une salle supplémentaire, les organisateurs ont permis l’accueil de quatre nouvelles enseignes, dont l’Anversois Ronny Van de Velde, franchement ancré dans le modernisme avec une sélection d’œuvres de Giorgio de Chirico, Fernand Léger, Pablo Picasso, Francis Picabia et Max Ernst. Deux galeries londoniennes ont également été conviées, The Fine Art Society, spécialisée dans les artistes britanniques du XVIIe siècle à aujourd’hui, et Stephen Ongpin Fine Art qui vient avec une large palette de maîtres du XVe au début du XXe siècle. Nouvelle entrée également pour le Parisien David Levy, ex-collaborateur de la galerie Brame & Lorenceau, installé depuis trois ans comme marchand en appartement. Historiquement, sa programmation s’étend de 1880 avec un dessin d’Odilon Redon à 1973, date d’un projet de Calder pour la sculpture monumentale The Universe de la Sears Tower de Chicago. Elle comprend une imposante Clarisse (1964), grand collage de Niki de Saint Phalle (1,60 x 1,05 m), « œuvre à l’origine de toutes les Nana que l’artiste a réalisées à partir de 1965 », souligne le galeriste.
Raréfaction du dessin ancien
Le salon se trouvant plus que jamais confronté au problème de la raréfaction des belles feuilles anciennes, glisse inexorablement vers le modernisme, voire vers l’art d’après-guerre. « On trouve de moins en moins de feuilles anciennes. Donc on avance dans les siècles », remarque Jean-François Baroni. Le marchand parisien présente une vingtaine de pièces des XIXe et XXe siècles dont un dessin de Jean Hélion de 1967, à côté d’une mince sélection de feuilles anciennes, dont la représentation par Jean-Baptiste Le Prince d’un jeune garçon jouant de la flûte, exécutée à la sanguine. L’amateur d’art ancien devra papillonner de stand en stand pour découvrir des pièces toujours plus rares et plus chères. Notons une Étude pour Leda et le cygne, vers 1730-1735, œuvre préparatoire à la sanguine et rehauts de craie blanche au tableau Leda et le Cygne de Charles Natoire conservé au Musée des beaux-arts de Troyes (Galerie Aaron) ; une Tête de jeune femme regardant vers le bas de François Boucher à la pierre noire rehaussée de blanc et bleu (galerie Jean-Luc Baroni, Londres) ; une Femme berçant son enfant par Federico Zuccaro à la plume et encre brune, lavis brun et rehauts de blanc sur papier bleu (galerie Katrin Bellinger, Munich) ou encore Une femme en buste (Minerve), vue de trois-quarts par Simon Vouet à la craie noire et blanche (galerie Thomas Le Claire, Hambourg). Une nouveauté, cette année, amusera les visiteurs du salon : sur une idée de Pierre Rosenberg, un stand collectif réunit des dessins anonymes à vendre, venant des différents exposants, et pouvant donner lieu à des débats et échanges entre marchands, historiens et collectionneurs. Les réflexions des uns et des autres pourront être notées sur une page accompagnant chaque dessin en quête d’attribution. Malgré l’intérêt intellectuel, cette idée originale ne convainc pas pour autant tous les professionnels. Certains voudraient conserver les honneurs de la paternité, même si elle arrive tardivement ou risque de ne jamais venir. Comme l’explique un marchand : « J’ai trois dessins anonymes beaux, et donc rares, mais je préfère les garder en pensant qu’un jour je percerai leur mystère ». Et un autre d’ajouter : « Le problème est de fixer un prix qui n’est que le reflet de ce que l’on croit. Et l’on peut se tromper, car l’art n’est pas une science exacte ».
À partir de 400 euros
Lancé l’an dernier en peu de temps par un groupe de galeries françaises, le Salon du dessin contemporain connaît déjà un fort engouement. Les organisateurs ont reçu plus de cent vingt demandes spontanées de galeries désireuses d’avoir leur ticket d’entrée pour la deuxième édition. Avec cinquante-cinq stands, ils ont souhaité lui garder un caractère convivial et éviter de tomber dans le format hypermarché. On regrette seulement la présence encore trop faible de participants étrangers. Un nouveau lieu d’exposition a été choisi : un immeuble parisien du 8e arrondissement de Paris sur les murs duquel des artistes interviennent, à l’intérieur, sur quatre étages de circulation. Une programmation d’expositions personnelles sur au moins un tiers de chaque stand a été imposée, gommant l’aspect fourre-tout. Une formule qui sera pérennisée.
Si la tentative de donner une définition au dessin contemporain reste illusoire, car incluant des œuvres aussi diverses que des dessins animés, des broderies et des tracés par ordinateur sur vidéos, il exclut, en revanche, les multiples par choix. « Nous voulons des œuvres uniques. C’est un principe auquel nous ne dérogerons pas. Et de préférence, nous souhaitons des pièces qui n’ont pas été vues sur d’autres salons », insiste Christine Phal, la présidente du salon. La sélection des galeries s’est faite sur la pertinence des projets proposés. La galerie Catherine Issert de Saint-Paul-de-Vence (Alpes Maritimes) a, par exemple, été retenue pour sa composition murale de dessins récents, traditionnels ou au néon, de Jean-Michel Alberola. En complément, elle présente « des artistes de génération, de notoriété et de nationalité différentes, abordant le dessin au travers de médiums et techniques hétéroclites : dessins par pression de Bernard Pagès, dessins 3D de Pascal Broccolichi, dessins au Henné de Aïcha Hamu, dessins animés de Thibaut Waré, dessins à l’huile de BP… ». Les galeries parisiennes GNG et Lefor Openo ont pris un risque apprécié des organisateurs de ne présenter qu’un seul artiste : Ayako David-Kawauchi pour la première, Georges Bru pour la seconde. Le galeriste parisien Bernard Jordan propose un accrochage successif de quatre artistes de sensibilités différentes en expositions personnelles, tandis que des œuvres d’autres signatures de la galerie seront présentées de façon originale sur des tablettes, dans l’esprit des cabinets d’amateurs. Ont aussi répondu à l’appel, dès cette deuxième édition, des poids lourds telles les galeries Lambert, Thaddaeus Ropac et Anne de Villepoix. Chez cette dernière, les œuvres ornées de broderies de Cathryn Boch sont à l’honneur. Notons encore le retour de la galerie Fournier (Paris) et la nouvelle présence de la galerie JGM (Paris) avec des dessins préparatoires des bestiaires de François-Xavier Lalanne, ainsi que la participation de la galerie Magda Danysz (Paris) qui montrera quelques pointures du street art. À l’heure où les amateurs d’art se tournent de plus en plus vers l’art contemporain, ce salon offre une porte d’entrée vers la collection. La fourchette de prix (de 400 à 40 000 euros) est accessible à un plus large public, sans pour autant contrevenir à la qualité. Un succès qui s’annonce durable.
- SALON DU DESSIN, 9-13 avril, Palais de la Bourse, place de la Bourse, 75002 Paris, tél. 01 45 22 08 77, www.sa londudessin.com, tlj 12h-21h, le 10 avril 12h-22h30.
- SALON DU DESSIN CONTEMPORAIN, 10 au 14 avril, 4, rue du Général Foy, 75008 Paris, tél. 01 44 07 21 87, www.salon dudessincontemporain.com, les 10, 12 et 13 avril 12h-21h, le 11 avril 12h-22h, le 14 avril 12h-19h.
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Un seul événement, deux salons pour le dessin
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Abonnez-vous dès 1 €- Direction : Christine Phal ; Laurent Boudier ; Jean-Yves Mesguich
- Nombre d’exposants : 55
- Nombre de galeries françaises : 45
- Tarif des stands : 200 euros le m2, frais inhérents au salon inclus
- Nombre de visiteurs en 2007 : 10 000
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°278 du 28 mars 2008, avec le titre suivant : Un seul événement, deux salons pour le dessin