Fruit d’un programme de recherche international, l’exposition « Parfums et cosmétiques dans l’Égypte ancienne », à Marseille, avant le Caire et Paris, révèle les secrets de la cosmétologie égyptienne.
Comment les Égyptiens fabriquaient-ils onguents, baumes et parfums ? Avec quels matériaux et pour quels usages ? La soixantaine de microprélèvements effectués par Philippe Walter du Centre de recherche et de restauration des musées de France (C2RMF) sur des dépôts résiduels contenus dans des vases ont permis de constater que l’Ancien Empire (2780-2400 av. J.-C.) connaissait déjà une chimie de synthèse permettant d’obtenir de la phosgénite et de la laurionite, composants en usage dans la cosmétologie, comme l’était la galène, autre minerai à base de plomb. Le plus visible des cosmétiques est le kohol, si souvent dessiné ou gravé d’un trait noir ou vert sur le contour des yeux. La galène, encore utilisée de nos jours, apaise, soigne, protège du vent, du sable et des insectes. Rien de surprenant donc à ce que les médecins égyptiens fussent connus des Grecs et des Romains comme de fameux ophtalmologues.
Enfin, on a souvent observé avec étonnement le cône d’onguent qui domine les perruques sur les bas-reliefs et les peintures. Cette anomalie semble être le fruit d’une convention de représentation consistant à montrer ce qui est signifiant, même s’il est caché, en le rabattant vers le spectateur. Il s’agirait donc d’un onguent odoriférant semi-liquide appliqué sur la tête et non d’un bloc posé dessus.
Les recherches épigraphiques de Philippe Walter ont également permis la restitution par le parfumeur Sandrine Videault de l’antique et sacré kyphie. Les recherches de paléobotanique et un travail empirique mené sur les procédés d’élaboration des matériaux ont montré que le kyphie était un solide devant être fumigé. Il était déjà composé entre autres de galbanum, de fenugrec, de baies de genièvre, de nard, de menthe, éléments appartenant toujours aujourd’hui à la palette du parfumeur.
À partir du Nouvel Empire (1580-1200 av. J.-C.), les prêtres perdent le monopole de la fabrication de ce parfum, et la démocratisation de son usage devient manifeste. Des kyphie – on en connaît des recettes moins onéreuses où la myrrhe est remplacée par des ingrédients plus communs – entrent alors dans la maison égyptienne pour des parfums raffinés, sensuels, voire érotiques. Mais les plus précieux d’entre eux restent réservés aux usages religieux ou royaux.
C’est cet aspect profane, en opposition avec la vision traditionnellement mystique de l’Égypte que l’exposition de Marseille met en avant. Palettes à fard, vases à onguent, miroirs et peignes appellent donc un regard plus prosaïque sur un mode de vie que l’on commence à découvrir, bien éloigné de la religiosité entourant le pharaon. Le jardin des senteurs, la tente de mariage et les ateliers olfactifs complètent utilement cette évocation. À côté des préoccupations médicales s’affirment l’esthétique, le plaisir de séduire et la douceur de vivre. Les Égyptiens ne sont plus présentés comme des morts en sursis, mais s’approprient les objets de leur quotidien.
- PARFUMS ET COSMÉTIQUES DANS L’ÉGYPTE ANCIENNE, jusqu’au 23 juin, Musée de la Vieille Charité, 2 rue de la Charité, Marseille, tél. 04 91 14 58 80, tlj sauf lundi et jours fériés 11h-18h.
L’accès à la totalité de l’article est réservé à nos abonné(e)s
Un parfum de connaissance
Déjà abonné(e) ?
Se connecterPas encore abonné(e) ?
Avec notre offre sans engagement,
• Accédez à tous les contenus du site
• Soutenez une rédaction indépendante
• Recevez la newsletter quotidienne
Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°148 du 3 mai 2002, avec le titre suivant : Un parfum de connaissance