Une édition définitive des lettres de Van Gogh est en préparation, établie par le \"Letters Project\" du Musée Van Gogh à Amsterdam. Jamais correspondance d’artiste n’aura été étudiée aussi minutieusement. Il faudra sans doute attendre dix ans avant la publication complète, qui comprendra une quinzaine de volumes, commentaires et traductions inclus. Le Van Gogh Museum Journal livre quelques détails sur cette ambitieuse entreprise visant à \"respecter autant que possible l’original\".
AMSTERDAM - Hans Luijten, l’un des membres de l’équipe du "Letters Project" du Musée Van Gogh, se dit "stupéfait des libertés prises par les éditeurs précédents des lettres de Van Gogh" : ils ont corrigé la ponctuation et l’orthographe, clarifié les passages obscurs et omis des détails ou des noms embarrassants. Luijten s’engage à "respecter autant que possible l’original en conservant la plupart des particularismes de Van Gogh". Les détails de la publication ne sont pas encore réglés, mais celle-ci sera considérable, avec quatre volumes de lettres publiées dans le texte original hollandais ou français, quatre volumes de traduction anglaise, au moins quatre volumes de commentaires, un volume d’illustrations reproduisant plusieurs centaines d’œuvres évoquées par l’artiste, et un index. L’utilisation des méthodes d’édition modernes, dont le cédérom, sera envisagée à terme. Les droits de reproduction influeront aussi sur le budget. Presque tous les livres sur Van Gogh citent déjà de larges extraits de sa correspondance, mais il reste à savoir dans quelles conditions un droit de reproduction pourrait être exigé pour la nouvelle traduction anglaise.
De l’abondante correspondance de Van Gogh, neuf cents lettres ont survécu, adressées pour la plupart à son frère Théo, à quelques membres de sa famille et à des artistes comme Gauguin, Émile Bernard ou Anthon van Rappard. Plusieurs éditions de ces lettres ont été publiées depuis 1914, les plus récentes étant une édition complète en anglais en 1958, une édition française en 1960, et une édition hollandaise entièrement revue en 1990 (dont une édition abrégée, établie par Ronald Leeuw, est parue en anglais l’an dernier). Le Musée Van Gogh juge néanmoins nécessaire d’établir un texte plus exact et plus documenté. Le travail a commencé il y a trois ans, en collaboration avec l’Institut Constantijn Huygens de La Haye (Institut pour l’édition des textes anciens et l’histoire intellectuelle). L’équipe est composée des linguistes hollandais Luijten et Leo Jansen, et de l’historien de l’art Elly Cassee. Chaque ligne de la correspondance est minutieusement étudiée à partir de l’original toutes les fois que c’est possible, 80 % des lettres se trouvant au Musée Van Gogh. Cette étude a déjà permis d’effectuer de nombreuses découvertes. Par exemple, les phrases raturées par Van Gogh, omises dans les précédentes éditions, peuvent être révélatrices. Ainsi, ce commentaire, rayé par le peintre dans une lettre à Théo écrite à Nuenen en décembre 1883 : "Les gens sont comme les pinceaux, ce ne sont pas ceux qui paraissent les plus beaux qui sont les meilleurs à l’usage". Autre découverte importante, les passages soulignés dans les lettres, presque toujours en italique dans les éditions imprimées, ne sont généralement pas de la main de Van Gogh mais souvent d’une autre personne, probablement Jo Bonger, la veuve de Théo. L’interprétation d’une phrase sera sensiblement différente s’il s’avère qu’elle n’a pas été soulignée par Van Gogh. Beaucoup de lettres ne sont pas datées. Même si un travail considérable a déjà accompli dans ce sens, une partie de la correspondance fera l’objet d’une nouvelle datation, ce qui pourrait entraîner la révision des dates des tableaux et dessins auxquelles les lettres se réfèrent.Parmi les trouvailles les plus inattendues, deux morceaux d’algue.
Le 17 avril 1876, le lendemain de son arrivée à Ramsgate, Vincent écrivait à Théo : “Hier soir et ce matin , nous sommes tous allés nous promener au bord de la mer. Je te joins une petite branche d’algue.” Dans la réserve du Musée, deux morceaux d’algue séchée ont été retrouvés avec une lettre datée de plusieurs mois plus tard. Ils ont maintenant été réunis avec la lettre de Ramsgate. La correspondance de Van Gogh a été beaucoup plus étendue qu’on ne le pensait. Le "Letters Project" a retrouvé une note du fils du marchand Hermanus Tersteeg, qui avait employé le jeune Van Gogh quand il travaillait pour Goupil, à La Haye. En 1917, le fils de Tersteeg écrivait : "Nous avons délibérément jeté au feu deux ou trois cent lettres de Vincent Van Gogh qui nous encombraient". Elles vaudraient maintenant une fortune. Il y a près de deux ans, une seule lettre de Van Gogh a été vendue 42 200 livres chez Sotheby’s.
Van Gogh Museum Journal, 1996, 272 p., Van Gogh MuÂseum/ WaanÂders, 150 florins, ISBN 90 400 9866 2
L’accès à la totalité de l’article est réservé à nos abonné(e)s
Un nouveau regard sur les lettres de Van Gogh
Déjà abonné(e) ?
Se connecterPas encore abonné(e) ?
Avec notre offre sans engagement,
• Accédez à tous les contenus du site
• Soutenez une rédaction indépendante
• Recevez la newsletter quotidienne
Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°43 du 12 septembre 1997, avec le titre suivant : Un nouveau regard sur les lettres de Van Gogh