Situé dans une région à la forte identité culturelle, le Musée d’art moderne et contemporain de Strasbourg, sans tomber dans un régionalisme politiquement correct, réserve une place de choix aux artistes alsaciens ou ayant travaillé en Alsace. De Doré à Arp, de Marcelle Cahn à Sarkis, une histoire locale de l’art qui reste souvent à (re)découvrir.
Il est de coutume, en région, de mettre en valeur les créateurs locaux, d’autant que ceux-ci lèguent souvent à leur terre natale un ensemble représentatif de leur production. Le Musée d’art moderne et contemporain de Strasbourg n’échappe pas à la règle et intègre dans son accrochage des œuvres réalisées par des artistes nés en Alsace ou y ayant travaillé, créateurs tantôt connus et reconnus, tantôt disparus depuis longtemps des cimaises. Hans Arp, né à Strasbourg en 1886 d’une mère alsacienne et d’un père allemand, bénéficie d’une place de choix : la salle dans laquelle se déploie une quinzaine de ses œuvres dispose d’une grande baie vitrée donnant directement sur l’entrée du bâtiment, et s’offre ainsi à la vue des futurs visiteurs du musée. Ce dernier présente également des plans, projets de décors et maquettes du même Arp, de son épouse Sophie Taeuber-Arp et de Théo Van Doesburg pour le “Ciné-Dancing” de l’Aubette, place Kléber. Ce décor, réalisé en 1926-1927, a été en partie reconstitué en 1994. Gustave Doré, né à Strasbourg en 1832, dispose d’une salle spécialement conçue pour recevoir une immense toile de 54 m2 (6 x 9 m), le Christ quittant le prétoire, exécutée en 1872. Le musée conserve également un important ensemble de peintures, de dessins et d’aquarelles de cet artiste qui connut un très vif succès de son vivant en Angleterre.
À côté de ces deux figures locales, la scénographie intègre, au fil des salles et au gré des styles, peintres et sculpteurs liées à l’Alsace. Ainsi, Emmanuel Benner (1836-1896), Joseph Wencker (1848-1919) et Jean-Jacques Henner (1829-1905) sont présents dans la section consacrée à l’Académisme. Jean-Désiré Ringel D’Illzach – notamment avec le buste d’Un prince de la famille Médicis, en cire polychrome, datant des années 1890 –, Ernest Lincker (1883-1935), Charles Ehrmann (1868-1918) ou Henri Wadere sont en bonne place dans la salle consacrée au Symbolisme, tandis que Martin Hubrecht (1892-1965) et Luc Hueber (1888-1965) étaient proches, dans les années vingt, de la Neue Sachlichkeit. Deux œuvres de Marcelle Cahn, membre dès 1926 du groupe Cercle et Carré formé par Michel Seuphor, viennent rejoindre les cimaises du rez-de-chaussée : Femme et voilier (vers 1926) et Guitare et éventail de 1926. L’espace réservé à la photographie met également en exergue quelques figures locales. Charles David Winter (1821-1904), portraitiste strasbourgeois dans les années 1860, a immortalisé au siècle dernier la capitale alsacienne à travers un ensemble exceptionnel de vues de la ville et des séquelles de la guerre de 1870. Les portraits et nus de Jacqueline Rau, qui connut le succès dans les années trente, constituent enfin une réelle redécouverte.
Les liens avec la cité se poursuivent encore quelque peu dans la section contemporaine. Plus que des origines locales de leur auteur, il s’agit davantage ici de pièces ayant un lien avec la région, comme l’installation de Gérard Collin-Thiébaut, Un musée clandestin à Strasbourg, ou Dove Sta Memoria de Gerhard Merz, qui intègre une reproduction du Saint Sébastien de Cima da Coneglio conservé au Musée des beaux-arts de la ville. Enfin, le parcours s’achève avec Ma chambre de la Krutenau en satellite, une grande installation de Sarkis qui évoque l’époque où l’artiste était enseignant à l’École des arts décoratifs de Strasbourg.
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Un musée alsacien
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°70 du 6 novembre 1998, avec le titre suivant : Un musée alsacien