Un artiste refuse un prix arguant que l’organisateur soutient le maintien d’une sculpture représentant le Caudillo.

Iles Canaries (Espagne). « Mon engagement envers la vérité, la justice et la réparation m’oblige à agir en accord avec mes convictions et donc à refuser un prix venant d’une institution dont les actions récentes contredisent ces idéaux », déclarait lundi 17 mars Acaymo S. Cuesta, artiste sculpteur de 41 ans vivant sur les Îles Canaries, en Espagne. Par ce communiqué, l’artiste refuse le prix Excellens de la sculpture qui devait lui être remis par l’Académie des beaux-arts canarienne, le 30 mars.
Dans une tribune, l’artiste humaniste dénonce la volonté de l’Académie de faire d’un monument de Santa Cruz de Tenerife (capitale canarienne) un bien d’intérêt culturel. L’œuvre en question, produite par Juan de Ávalos en 1966, est un ensemble sculptural qui portait à l’origine le nom de Monument à son excellence le chef de l’État, et célébrait la vie et le combat de Francisco Franco, l’ancien dictateur espagnol mort en 1975.
Au fil des années, différentes entités ont tenté de cacher la véritable nature de la statue. En 2010, la mairie le renommait par exemple Monument de l’ange tombé, tandis que la fondation Juan de Ávalos tentait un Monument commémoratif à la paix. Difficile, néanmoins, de réinterpréter cette sculpture monumentale en granite et bronze. Elle représente sans équivoque le Caudillo armé d’une épée en forme de croix chrétienne, chevauchant un ange. Une glorification sans détour de Franco en conquérant de l’Espagne.
Malgré la loi de la mémoire démocratique de 2007, qui stipule que les œuvres exaltant la mémoire franquiste doivent être retirées, le gouvernement canarien n’a pas enlevé le monument. Il en est empêché notamment par les partis d’extrême droite espagnole, eux-mêmes soutenus par l’Académie des beaux-arts. Dès 2018, l’institution avait publié un rapport demandant la sauvegarde du monument, arguant que « posséder une œuvre de la catégorie artistique de Juan de Ávalos [...] honore sans aucun doute le patrimoine artistique de Santa Cruz de Tenerife ». Et en guise de remerciement pour ce soutien sans faille à la sauvegarde des œuvres franquistes, l’extrême droite a même suggéré en janvier 2025 d’attribuer la Médaille d’Or à l’Académie pour « ses contributions à la communauté ».
Une position qui n’a visiblement pas plu à Cuesta, qui rappelle les dommages irréversibles que la dictature franquiste a causés sur son île : « Derrière ce “monument” se cache un héritage de douleur. [...] Aux Canaries, où aucune guerre conventionnelle n’a eu lieu, la répression a été tout aussi dévastatrice. Les arts, sous toutes leurs formes, ont été durement frappés lors de cette période sombre de notre histoire. »
Le geste de l’artiste a été largement salué par les associations de défense de la mémoire démocratique, et l’Académie n’a pour le moment pas annoncé d’autres lauréats pour son prix.
Cette polémique est loin d’être la première – et ne sera sûrement pas la dernière – concernant l’héritage artistique franquiste en Espagne, alors que 2025 marque les 50 ans de la mort du dictateur.

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Un monument dédié à Franco aux Canaries provoque un clash
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°652 du 28 mars 2025, avec le titre suivant : Un monument dédié à Franco aux Canaries provoque un clash