Les ABF ne sont pas
les seuls sur la sellette. Les architectes en chef
des Monuments historiques (ACMH) ont eu droit
aux attentions de la Cour
des comptes dans son rapport annuel. Si les magistrats
ont notamment jugé excessifs leurs honoraires, ils se sont également interrogés sur
la validité du monopole
au regard du droit de
la concurrence européen.
PARIS - Dans leur rapport annuel, les magistrats de la Cour des comptes ont consacré de longs développements au ministère, et plus particulièrement à la gestion de son parc immobilier (lire également page 8). La Rue de Valois est en effet l’un des principaux affectataires du patrimoine bâti de l’État. Le diagnostic dressé n’est guère élogieux : outils de gestion inadaptés, données immobilières partielles, imprécises ou erronées, absence de stratégie immobilière d’ensemble... En outre, s’intéressant à la conduite des opérations de conservation, la Cour a constaté que “le ministère de la Culture n’avait pas de connaissance précise non seulement des conditions dans lesquelles fonctionnent les agences [des ACMH] mais même des honoraires qu’il verse lui-même aux architectes en chef des Monuments historiques”. D’après ses estimations, le niveau moyen des honoraires versés aux ACMH serait d’environ 13,1 % du coût des travaux. François Goven, sous-directeur des monuments historiques au ministère de la Culture, conteste évidemment cette estimation : “Ce chiffre ne peut être exact, puisque le barème est dans une fourchette de 5,64 % à 11,51 % ; deux tiers des opérations sont compris entre 2 et 4 millions de francs hors taxe, avec un taux de 8 à 9 %.” “Hors étude préalable”, prend-il soin de préciser.
Mais, là n’est pas le plus grave. Au détour d’une petite phrase, le rapport introduit une idée pour le moins inquiétante : “En dépit des arguments invoqués par le ministère en faveur du monopole, la Cour estime qu’en l’état actuel du droit de la concurrence dans l’Union européenne, la question reste posée.” Les ACMH bénéficient en effet d’une compétence exclusive sur les monuments classés, et sont à la fois les prescripteurs et les exécutants des travaux. Le caractère inflationniste d’un tel dispositif a maintes fois été dénoncé. Toutefois, François Botton, président de la Compagnie des architectes en chef, rappelle, dans un argument un peu spécieux, que “celui qui veut s’en abstraire le peut”, car c’est l’existence d’une subvention, donc le versement d’argent public, qui oblige à recourir à leurs services. Le système des monuments historiques a été mis en place pour garantir le bon usage des deniers publics, rappelle-t-il. Toutefois, on connaît peu de propriétaires qui pourraient se passer des subventions.
“Cette profession est attaquée de façon excessive”, estime François Goven, qui reconnaît qu’“on n’a pas trouvé le système idéal” pour définir avant les chantiers les travaux à accomplir et leur coût. Dans un système concurrentiel, un programme spécifique devrait être défini en amont, et pour cela il faudrait autant d’architectes en chef fonctionnaires que de libéraux. Un tel dispositif aurait pour conséquence de retarder les interventions, sans réduire les coûts. Par ailleurs, si la loi du marché devait s’appliquer à ce secteur, “tout un pan du patrimoine ne serait pas ou mal traité”, explique François Botton. Ce qui justifie selon lui le terme d’exception culturelle. Plus que d’une libéralisation, la restauration des monuments historiques a besoin d’un contrôle plus strict et plus indépendant des travaux proposés et réalisés par les ACMH, qui reste l’un des rares corps à se contrôler lui-même.
L’accès à la totalité de l’article est réservé à nos abonné(e)s
Un monopole en question
Déjà abonné(e) ?
Se connecterPas encore abonné(e) ?
Avec notre offre sans engagement,
• Accédez à tous les contenus du site
• Soutenez une rédaction indépendante
• Recevez la newsletter quotidienne
Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°143 du 22 février 2002, avec le titre suivant : Un monopole en question