Contrairement à la France, les musées outre-Atlantique sont quasi exclusivement privés et ont des obligations de résultats. Mais ce ne sont pas des entreprises comme les autres. Le modèle américain est basé sur un contrat social qui implique que les plus riches soutiennent la culture.
Musées privés. « En Europe, vous avez de plus en plus de musées privés », constate Mary Baily Wieler, présidente de la Museum Trustee Association. Regardez la Collection Pinault [qui ouvrira ses portes en 2019 à Paris, NDLR] : François Pinault contrôle le musée, mais peut-être qu’il le confiera à terme à un conseil de trustees. » En France, la très grande majorité des musées appartiennent aux collectivités territoriales et à l’État. Aux États-Unis où le privé fait loi, « les musées sont globalement en bonne santé », poursuit Mary Baily Wieler. Le financement par des dons privés serait-il plus efficace que le modèle traditionnel français, où les dotations de l’État couvrent jusqu’à 70 % du budget ? Philippe Ravanas, professeur de gestion des arts, du spectacle et des médias au Columbia College à Chicago, observe : « En moyenne, les institutions américaines sont beaucoup mieux gérées parce qu’elles n’ont pas le choix, c’est le prix de leur indépendance. Ce modèle demande une expertise assez poussée, parce qu’on ne peut pas avoir recours au déficit, or ce sont des entreprises en perpétuel déséquilibre. Elles commencent l’année avec des besoins de dizaines de millions de dollars de donations. C’est une gestion un peu périlleuse. » Comment donc expliquer ce succès ? « Il y a un professionnalisme des gestionnaires des institutions culturelles qui, à mon avis, est plus poussé qu’ailleurs », avance cet expert français installé à Chicago. « Ils ont en général une formation de gestion. C’est moins le cas en France. La plupart du temps, ce sont des gens qui ont une formation de conservateur », constate le professeur, qui note que « les cas de faillite sont extrêmement rares » aux États-Unis.
Faut-il donc gérer un musée comme n’importe quel « business » ? Richard Green a fait carrière dans l’industrie de l’énergie avant de succéder en avril à Shirley Bush Helzberg à la présidence du conseil d’administration du Nelson-Atkins Museum (Kansas City, Missouri), qui a multiplié par deux son audience depuis une dizaine d’années et revendique 250 000 visiteurs annuels. « Je pense que la plus grosse erreur, c’est de considérer un musée comme un commerce à but lucratif, de regarder le coût et les dépenses de la même manière, met-il en garde. Diriger une organisation comme un musée, c’est s’adresser à la prochaine génération, c’est comprendre l’importance d’apporter quelque chose à la communauté. Ce sont des stratégies différentes. »
Pour Philippe Ravanas, cet engagement envers la communauté puise sa source dans une culture que ne partage pas la France. « Croire que l’on peut importer un modèle culturel d’un pays à l’autre, c’est une aberration, tranche-t-il. « Le modèle américain est basé sur un contrat social selon lequel les gens qui en ont les moyens soutiennent ces institutions. » « On ne crée pas des donateurs du jour au lendemain », insiste l’universitaire, avant de conclure : « Je crois que le mirage, c’est de croire que le mécénat d’entreprise va prendre le relais. On oublie complètement cette dimension de donations privées assez désintéressées qui a des racines très profondes aux États-Unis. »
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Un modèle qui reste très américain
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°505 du 6 juillet 2018, avec le titre suivant : Un modèle qui reste très américain