L’écrivain et cinéaste succède à Christine Albanel à un poste en mal de crédibilité.
PARIS - Nicolas Sarkozy aurait voulu convaincre Jack Lang, l’emblématique ministre de la Culture de François Mitterrand, de reprendre du service Rue de Valois. C’est finalement le neveu de l’ancien président de la République qui a accepté le maroquin de la Culture et de la Communication dans le gouvernement « Fillon IV ». Homme de culture et de communication, réalisateur de films et ancien animateur de télévision, Frédéric Mitterrand s’était rapproché de Nicolas Sarkozy avant de prendre la direction de la Villa Médicis, à Rome, en juin 2008. Il misera probablement sur cette proximité – à l’exemple de celle des binômes Lang-Mitterrand mais aussi Malraux-de Gaulle – pour tenter de replacer le ministère de la Culture, très affaibli, au cœur de l’action gouvernementale, compensant ainsi son maigre poids politique. Dès son premier discours au Sénat, le 1er juillet (lire p. 5), le nouveau ministre a ainsi pris des accents délibérément malruciens, dans un style radicalement différent de l’élocution qui l’avait fait connaître à la télévision mais aussi de sa prédécesseur, Christine Albanel. Cette dernière, exfiltrée sans ménagement du gouvernement, pourrait être nommée à la tête de la chaîne de télévision Arte France. Dans cette hypothèse, son actuel président-directeur général, Jérôme Clément, pourrait être nommé secrétaire d’État à la communication dans un jeu de chaises musicales dont l’Élysée garde le contrôle. La direction de la Villa Médicis, refusée par l’ancienne ministre, fait également l’objet de tractations.
S’il jouit d’une certaine popularité et d’un capital de sympathie auprès des milieux culturels, Frédéric Mitterrand arrive toutefois dans un contexte délétère qui rendra sa tâche ardue. Deux jours après sa nomination officielle, avant même que son nouveau directeur de cabinet, Pierre Hanotaux – un transfuge du Musée du quai Branly –, ne soit nommé, les personnels de l’administration centrale du ministère de la Culture se sont réunis à l’appel de l’intersyndicale pour dénoncer les conséquences de la révision générale des politiques publiques. Plusieurs leaders de l’opposition, jusque-là plutôt discrets, sont venus grossir les rangs de la manifestation. Ainsi Benoît Hamon, porte-parole du Parti socialiste, a-t-il ironisé dans ce cadre sur le choix du nouveau ministre : « C’est un drôle de paradoxe de parler au nom du PS quand celui qui occupe le poste porte le nom de “Mitterrand”. Mais la réalité des politiques culturelles est là : moins de personnel, moins de budget ! » De source syndicale, le décret de réforme de l’administration du ministère de la Culture devrait en effet être publié dans le courant du mois de juillet, pour une entrée en vigueur début octobre. Il serait à l’origine de la suppression de 250 emplois. Par ailleurs, le texte reviendrait sur certains engagements pris par Christine Albanel, concernant notamment le statut des directeurs adjoints au sein des trois nouvelles directions élargies du ministère. Ces responsables de la politique des musées, des archives, de l’architecture, des arts plastiques ou du livre, qui bénéficiaient auparavant du statut de directeur nommé en Conseil des ministres, seraient ainsi relégués au rôle de simples chefs de service.
Éte studieux
Outre le projet de loi « Création et Internet », ce dossier promet d’être l’un des plus épineux à gérer pour Frédéric Mitterrand, qui compte pourtant mettre en œuvre la feuille de route dictée par l’Élysée. Cela en se concentrant sur l’objectif principal de la rentrée : obtenir des arbitrages budgétaires susceptibles de dégager des marges de manœuvre, mais aussi inscrire l’action culturelle au rang des priorités de l’emprunt d’État. L’été s’annonce donc studieux pour le nouveau ministre. Qui devra impérativement prouver, dès septembre, sa capacité à porter une réelle ambition pour ce ministère. À moins d’apparaître rapidement comme le nouvel alibi culturel du président de la République.
L’accès à la totalité de l’article est réservé à nos abonné(e)s
Un Mitterrand Rue de Valois
Déjà abonné(e) ?
Se connecterPas encore abonné(e) ?
Avec notre offre sans engagement,
• Accédez à tous les contenus du site
• Soutenez une rédaction indépendante
• Recevez la newsletter quotidienne
Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°307 du 10 juillet 2009, avec le titre suivant : Un Mitterrand Rue de Valois