La nouvelle ligne souterraine s’accompagne de vingt commandes passées à des artistes
Une initiative bienvenue qui se traduit par un projet de qualité.
TOULOUSE - L’usager du métro de Toulouse a pris l’habitude, depuis 1993 et la création de la première ligne traversant l’agglomération d’est en ouest, de côtoyer des œuvres d’art lors de ses déplacements quotidiens. Dès l’origine furent en effet intégrées à son parcours des installations d’artistes tels François Morellet, Olivier Debré ou Jean-Michel Othoniel.
Inaugurée à la fin du mois de juin 2007, la ligne B, qui crée un nouvel axe de circulation nord-sud d’une quinzaine de kilomètres de long, a, selon ce même parti pris ambitieux, associé dès le lancement de l’opération un artiste à chacune des vingt stations bornant le parcours. L’effort financier consenti en la matière est au demeurant très important, puisque, sur un coût global de 1,39 milliard d’euros, 4,3 millions ont été consacrés à l’investissement artistique.
C’est un comité technique composé de représentants du maître d’ouvrage, Tisséo, et de huit experts – parmi lesquels Françoise Guichon, directrice du Centre international de recherches sur le verre et les arts plastiques, à Marseille ; Marie-Thérèse Perrin, présidente du Printemps de septembre à Toulouse ; ou Thierry Raspail, directeur du Musée d’art contemporain de Lyon – qui a sélectionné les artistes. Y figurent Patrick Corillon, Michel Verjux, Olivier Mosset et Damien Aspe, Daniel Dezeuze, ou encore Bernar Venet, intervenu pour ce dernier en extérieur, avec deux arcs monumentaux (22 tonnes d’acier Corten en porte-à-faux) installés sur le rond-point de la station Barrière-de-Paris.
La démarche globale est remarquable et salutaire, eu égard en particulier à la grande tristesse architecturale de l’ensemble, qui en tout point se révèle froid et bien peu original. Bien que chaque station ait été confiée à des architectes différents, la commande a été régie par une charte commune. L’usage d’un carrelage blanc jointoyé de gris – clinique ! –, assorti de sols sombres, d’un éclairage blafard et de grilles au plafond y rend encore plus ternes les matins fatigués.
Le verre et la lumière
La consultation très en amont des plasticiens donne sa véritable dimension au projet, pour lequel la concertation avec les architectes se traduit par une cohérence tant dans le discours que dans l’intégration des œuvres. Sont ainsi évitées les impressions de collage, de décoration ou de pièce rapportée, écueils fréquents dans la commande publique. Cela a permis en outre de penser des œuvres le plus souvent présentes mais pas imposantes, que le passant peut voir s’il le souhaite, la contemplation ne constituant pas un passage obligé.
Ainsi les deux longs réseaux de fibre optique installés par Ange Leccia à la station Compans-Caffarelli qui, tels deux écrans surdimensionnés plongeant à la verticale, délivrent des gammes chromatiques changeantes provenant de films de couchers de soleil. Discret mais efficace, le tout agit comme une respiration souple et naturelle dans ce contexte fermé et carré. Très subtile également est l’intervention de Jean-Pierre Bertrand, qui, à Ramonville, a joué du nom même de la station et de la place de ses lettres dans l’alphabet (R = 18, A = 1, etc.) pour sérigraphier sur des vitres des rectangles jaunes dont les ombres se déplacent sur le mur au fil de l’avancement de la journée. En termes d’impact visuel, l’installation la plus impressionnante reste celle de Jean-Paul Marcheschi, qui, à la station Carmes, a édifié, dans un espace aux volumes très amples où l’on accède après une longue descente vers les quais, une sorte de voûte céleste, entièrement composée de documents graphiques et calligraphiques au format A4, placés derrière des plaques de verre.
Préconisé par le cahier des charges, l’usage du verre et de la lumière a donné lieu à d’autres interventions dignes d’intérêt, ainsi la surface occupée par des billes de verre colorées et signée Didier Mencoboni. De tailles différentes, ces billes jouent avec la lumière naturelle, tandis que des trous assurent une part d’ombre (Faculté-de-Pharmacie). À La Vache, Corinne Sentou a réussi quant à elle une belle paroi courbe en métal percée de petits trous. La lumière colorée et évanescente qui s’en échappe donne une délicate impression de mouvement.
Et si l’on s’ennuie en attendant le train à Jeanne-d’Arc, on peut toujours consulter les petites annonces du « transport amoureux » de Sophie Calle. De vraies invites aux retrouvailles défilant sur quatre écrans, que l’on peut déposer sur un site Internet (www.transport-amoureux.vu). Une idée simple et qui dans ce contexte fait mouche !
À lire : B, joindre et rejoindre. L’art et le métro de Toulouse, par François Barré, Éditions du Panama, 2007, 160 p., 30 euros, ISBN 978-2-7557-0279-8.
- Nombre d’artistes : 20 - Nombre de stations : 20 - Budget global maximal prévu (conception, suivi de réalisation, réalisation, installation : 150 000 euros HT par station
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Un métro artistiquement cohérent
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°271 du 14 décembre 2007, avec le titre suivant : Un métro artistiquement cohérent