Les pièces françaises du XVIIIe siècle restent le fleuron du marché international de l’orfèvrerie. Mais les plus beaux spécimens se trouvent aujourd’hui en Amérique.
L’orfèvrerie française du XVIIIe séduit aussi une clientèle internationale. Ainsi, si ses amateurs sont majoritairement français et les grandes collections parisiennes, les plus prestigieux ensembles se trouvent en Amérique du Nord et du Sud. À Drouot, comme dans les salles de vente de province, les vacations d’orfèvrerie sont largement répandues. Elles sont traditionnellement couplées aux ventes de bijoux ou de mobilier. Peu de maisons de vente consacrent une place à part entière à la spécialité sauf Sotheby’s qui organise depuis 2002 en France deux vacations de prestige d’environ 150 lots d’argenterie annuellement. Les pièces françaises du XVIIIe les plus rares sont aussi les plus cotées, comme les théières qui apparaissent en France sous la Régence (à partir de 1715). Leurs prix dépassent facilement 15 000 euros pour un modèle classique. Les verseuses (cafetières ou chocolatières) courantes de la même époque valent autour de 1 500 euros. La qualité d’une pièce, ses dimensions, l’originalité de sa forme, la richesse de son décor, le poinçon de l’orfèvre sont autant de critères qui font augmenter les prix. L’époque a aussi son importance : les pièces d’orfèvrerie datant du règne de Louis XIV valent plus chères car peu ont survécu aux deux fontes royales ordonnées. Les paires de flambeaux restent parmi les objets décoratifs les plus prisés, entre 2 500 et 40 000 euros pour une belle paire. « Sotheby’s a une longue tradition dans l’orfèvrerie. Les plus grandes collections telles Jourdan-Barry, Lopez-Willshaw ou Ortiz-Patiño ont été dispersées chez Sotheby’s au cours des années 1990. Et nous avons enregistré tous les records du monde en matière d’argenterie européenne. Le record absolu appartient à une exceptionnelle terrine réalisée par Thomas Germain en 1733 qui a été adjugée 10,2 millions de dollars (7,4 millions d’euros) le 13 novembre 1996 à New York », rappelle Thierry de Lachaise, directeur parisien de la spécialité chez Sotheby’s.
Possibles acquisitions
Si Sotheby’s disperse le fleuron de l’orfèvrerie XVIIIe française à Paris où le marché est concentré, le commissaire-priseur parisien Vincent Fraysse s’est également fait une réputation dans ce domaine. Il tente chaque année de réunir assez de pièces pour organiser une ou deux belles ventes spécialisées. La dernière a eu lieu le 4 juin à Drouot : une soupière en argent et sa doublure, réalisée à Paris en 1786 par l’orfèvre Jean-Pierre Charpenat, s’est vendue 45 600 euros, et une aiguière en argent de forme balustre et son bassin exécutée par André Tudier à Béziers en 1748-1749 est partie à 30 000 euros. La prochaine vacation d’orfèvrerie de la SVV Fraysse est programmée le 14 novembre à Drouot. Elle sera précédée d’une prestigieuse vente chez Sotheby’s (le 17 octobre) et de la dispersion de la collection Jean Thuile par la maison Tajan, le 24 octobre à Drouot. Cette collection rassemble plus de 60 pièces d’orfèvrerie française du XVIIIe siècle, telle une très belle paire de bougeoirs en argent comportant six pans en arbalète à la base, par Claude Dargent à Paris, en 1732-1733, richement décorée d’oves et d’entrelacs sur fond amati, rehaussés de masques alternant avec des coquilles en application et estimée 30 000 euros. Dans la même vente, on trouvera deux boules à savon et éponges en argent, réalisées par Jean Bellon en 1771-1772 à Montpellier. Estimées 15 000 euros la paire, ces boules ont figuré dans l’exposition sur l’Orfèvrerie de Montpellier et du Languedoc au Musée Languedocien de Montpellier en 1996 et portent au centre de chaque couvercle une armoirie gravée de la famille Trinquier. Les armoiries apportent toujours une plus-value correspondant à environ 15 % de la valeur de l’objet, à condition qu’elles soient identifiées et qu’elles soient d’époque. La fine fleur de l’orfèvrerie passe aussi à Douarnenez (Finistère) sous le marteau du commissaire-priseur breton Yves Cosqueric, de la SVV brestoise Adjug’Art. « Je suis passionné par la spécialité », précise ce professionnel qui dirige une vente d’une centaine de pièces d’orfèvrerie (dont la moitié de XVIIIe français) tous les deux mois. Ses ventes sont avantageuses puisque la SVV ne prélève que 17 % de frais acheteurs TTC, contre 20 % et plus dans la capitale. Les amateurs sont ainsi nombreux à enchérir chez Adjug’Art pour de très belles pièces de collection, à l’instar d’un sucrier réalisé par Louis Joseph Millerand-Bouty à Paris en 1783. Rare par sa forme ovale, reposant sur quatre patins à attaches feuillagées, joliment décoré de fraises des bois sur le couvercle et gravé de médaillons, guirlandes et nœuds, il y a été adjugé 3 830 euros le 20 juillet 2006.
Les premiers saupoudroirs français apparaissent à la fin du XVIIe siècle. A cette époque, ils sont généralement de forme cylindrique ou, dans certaines juridictions comme à Lyon, de forme octogonale. Le corps est toujours uni, souvent gravé d’armoiries permettant d’identifier le commanditaire. Le couvercle est repercé de petits orifices destinés à laisser passer une poudre. Le premier usage auquel on pense est le sucre concassé. Mais plus vraisemblablement, il devait servir à la poudre à perruque, celle-ci étant nettement plus fine. A partir des premières années du XVIIIe siècle, la forme évolue et devient balustre. Ce type d’objet persistera jusqu’à la fin des années 1730, époque à laquelle il sera remplacé par des sucriers appelés alors pots à sucre et accompagnés de cuillères à saupoudrer. La courte période de fabrication du saupoudroir en fait un objet rare très recherché. Toute collection d’orfèvrerie française du XVIIIe siècle se doit d’en posséder au moins un. Celui-ci (ill. ci-dessus) est décoré, dans sa partie inférieure, d’une frise de lambrequins. Le couvercle est finement repercé de motifs de quartefeuilles. Il sera offert le 17 octobre à Paris chez Sotheby’s sur une estimation de 25 000 à 30 000 euros.
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Un goût international pour le XVIIIe
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°264 du 7 septembre 2007, avec le titre suivant : Un goût international pour le XVIIIe