Créée il y a quatre ans, l’option «histoire des arts» n’existe encore qu’à l’état embryonnaire dans les lycées, l’État n’ayant pas voulu étendre l’expérience, notamment pour des raisons budgétaires. Mais le nouveau ministre de l’Éducation nationale, Claude Allègre, devra apporter une réponse aux revendications des historiens de l’art, alors que le parti socialiste s’est engagé pendant la campagne électorale à «donner la priorité à une grande politique de formation artistique».
PARIS. "L’option histoire des arts au lycée a le mérite d’exister, mais elle reste marginale au sein du système éducatif français et elle n’est pas amenée à se développer", constate François Baratte, président de l’Apahau (Association des professeurs d’archéologie et d’histoire de l’art des universités). Créée en 1993 par Jack Lang, ministre de l’Éducation nationale, cette option, sanctionnée au baccalauréat, est réservée aux sections littéraires. Elle est assurée par des enseignants volontaires venus d’autres matières, notamment histoire-géographie, lettres, arts plastiques, langues... L’expérience, qui a démarré dans une poignée de lycées, s’est progressivement étendue à quelque 80 établissements dans tout l’Hexagone et accueille aujourd’hui environ 1 200 élèves. La France est loin d’égaler l’Italie, régulièrement prise en modèle (lire ci-contre). Le ministère de l’Éducation nationale n’a pas souhaité jusqu’à présent une plus large diffusion de cette option, notamment en raison de son coût budgétaire. L’enseignement de l’histoire des arts suppose des aménagements horaires pour les enseignants volontaires, au détriment de la matière qu’ils enseignent habituellement. D’autre part, l’intérêt pour l’histoire de l’art paraît faible en France, et les associations de parents d’élèves n’ont pour l’instant pas réclamé l’extension de l’option dans un plus grand nombre de lycées. Interrogé à ce sujet, le cabinet du nouveau ministre Claude Allègre a reporté sa réponse à l’automne. Le parti socialiste s’est engagé pendant la campagne électorale à refondre les programmes à l’école primaire, au collège et au lycée, "en y intégrant à la fois l’éducation artistique et l’enseignement de l’histoire des arts" (voir le JdA n° 38, 16 mai). Selon Bruno Saint-Arroman, qui participe à l’expérience depuis ses débuts en 1993 au lycée Rodin, dans le 13ème arrondissement de Paris, certains redoutent un développement de l’histoire des arts au détriment des enseignements artistiques. "Or, c’est l’inverse qui se produit, souligne-t-il. Avec un pôle théorique apparaît une dynamique d’enseignement artistique. Les élèves de seconde qui se familiarisent avec les arts choisissent pour certains l’option musique ou arts plastiques en première". Cet enthousiasme est loin d’être partagé par les historiens de l’art, qui reprochent à l’option de traiter aussi bien du cinéma que de la musique ou des arts plastiques, et de rester trop orientée vers l’art contemporain.
En porte-à-faux
Le programme de seconde prévoit une sensibilisation progressive aux œuvres et au patrimoine à partir de l’étude de deux ou trois monuments significatifs de la région où se trouve le lycée. En première et en terminale, l’accent est mis sur les XIXe et XXe siècles. “Cette option nie la spécificité de l’histoire de l’art”, déclare François Baratte. Un avis partagé par Christophe Jacques, étudiant en maitrise d’histoire de l’art à Besançon, qui participe à un mouvement d’étudiants bien décidés à faire entendre leur voix auprès du ministère. “Nous voulons souligner les dysfonctionnements du système”, précise-t-il. Selon lui, l’enseignement de l’histoire des arts dans les lycées est en porte-à-faux avec les cours en université : "Il occulte l’archéologie et s’apparente plutôt à un enseignement de l’histoire culturelle. Les enseignants ne connaissent pas les méthodes de recherche en histoire de l’art. Une analyse de film est faite, par exemple, de la même manière qu’une analyse de tableau". Farouche partisan de l’option qu’il enseigne, Bruno Saint-Arroman considère au contraire qu’il ne faut pas se limiter à la seule dimension des arts platiques : "L’enseignement de l’histoire des arts remet en cause le système éducatif français en organisant des cours transversaux, en faisant travailler des gens venus d’horizons différents. Le pouvoir du professeur est déstabilisé. Cet enseignement a permis de découvrir la richesse du corps enseignant". Dans cette optique, il ne veut pas entendre parler d’un manuel correspondant aux cours d’histoire des arts au lycée. Les détracteurs de l’option dénoncent par ailleurs l’emploi d’enseignants non spécialistes. "Il est vrai que la qualité des interventions varie d’un professeur à l’autre, et j’ai souvenir de cours particulièrement ennuyeux", remarque Maryline Fachan, ancienne élève de l’option au lycée Rodin et actuellement étudiante en deuxième année d’histoire de l’art à l’Université Paris I. Bruno Saint-Arroman souligne au contraire les scrupules et le dévouement des enseignants, qui s’efforcent d’être à la hauteur : "Finalement, on évite le reproche d’amateurisme", et précise que des stages sur l’histoire des arts sont proposés chaque année aux enseignants. De toute façon, le ministère de l’Éducation considère que l’option est trop marginale pour créer un corps d’enseignants spécifique (lire article ci-dessous).
Manque de rigueur
Regrettant la méfiance des universitaires, Bruno Saint-Arroman pense que l’enseignement de l’histoire de l’art à l’université a tout à gagner du développement de l’histoire des arts au lycée : "En accueillant des étudiants déjà formés au lycée, l’enseignement de l’histoire de l’art à l’université s’améliorerait certainement". "Beaucoup de mes anciens élèves qui choisissent de s’inscrire dans cette matière en faculté sont déçus et regrettent la pauvreté et l’absence de rigueur de la formation", remarque-t-il. Une déception partagée par Maryline Fachan : "Je me sens frustrée et je pense me réorienter en histoire, où l’enseignement est plus rigoureux". Au-delà de la polémique sur l’option "histoire des arts", Bruno Saint-Arroman considère qu’elle "permet à nombre d’élèves de retrouver le goût des études". "J’avais choisi cette option un peu par hasard, car je m’intéressais aux arts graphiques. J’ai découvert les musées et le théâtre, que je ne fréquentais pas beaucoup jusque-là, et cela a changé ma vie", estime Maryline Fachan. Une ambition modeste mais peut-être suffisante pour cette option si décriée.
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Un enseignement marginal dans les lycées français
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°42 du 29 août 1997, avec le titre suivant : Un enseignement marginal dans les lycées français