Le Salon international du meuble, sis dans la capitale lombarde, a fêté ses cinquante ans en toute splendeur.
MILAN - L’an passé, on subodorait le basculement. Il a eu lieu cette année alors que le Salon international du meuble de Milan, qui s’est déroulé du 12 au 17 avril, fêtait son demi-siècle. Le in a, en effet, largement supplanté le off. Autrement dit : le salon officiel (2 700 exposants, 210 000 m2) s’est montré davantage attrayant que la majorité des événements (460) disséminés au cœur de la capitale lombarde. Preuve que, malgré la crise économique, les entreprises se positionnent encore sur le terrain de l’innovation et c’est plutôt bon signe.
Au salon, la palme du plus beau stand revient, cette année, à la firme Kartell, laquelle a planté ses nouveautés sous une forêt de néons géants façon Las Vegas du plus bel effet (Ghost Goods, Wonder Wheels…), une scénographie signée Ferruccio Laviani. Évidemment, on retrouve peu ou prou les mêmes têtes de gondole : Philippe Starck – en petite forme –, Ronan et Erwan Bouroullec – en forme éblouissante –, Fernando et Humberto Campana – un gracile siège en bambou chez Yii, un horrible fauteuil en cuir froissé chez Edra –, Jasper Morrison, Tokujin Yoshioka, Alfredo Häberli, Edward Barber et Jay Osgerby, Naoto Fukasawa, sans oublier la nouvelle garde du design italien, avec Luca Nicchetto en porte-drapeau. De nombreux « starchitectes » étaient également sur le pont, dont Zaha Hadid avec une étagère répétitive (Magis), Frank Gehry avec un mobilier – coloré mais affreux – pour l’extérieur (Heller), Daniel Libeskind avec un fauteuil facetté comme un diamant (Sawaya & Moroni), Odile Decq avec une suspension en forme de javelot (Luceplan), ou David Chipperfield avec une chaise pliante (Alessi) et une lampe (Wästberg).
Mais s’il ne fallait retenir que deux noms de cette 50e édition, ce serait le tandem formé par l’Espagnole Patricia Urquiola et l’Allemand Konstantin Grcic. Ces deux-là ont, une nouvelle fois, trouvé les ressources pour étonner, chacun dans leur registre. La première (B&B Italia, Moroso, Kartell, Flos…) trouve toujours une manière originale d’aborder les formes et les matières qu’elle « tricote » à l’envi, à l’instar de son fauteuil Biknit (Moroso), même si le confort réel de ses assises laisse parfois à désirer. Le second (Vitra, Plank, Magis…) est un as du transfert de technologies et séduit par son audace. Grcic est toujours où on ne l’attend pas. Puisant cette fois dans l’industrie automobile et dans l’univers du sport, il a conçu le fauteuil club Avus (Plank), associant une coque en résine moulée et une assise en cuir moelleux, un mariage qui froissera à coup sûr les puristes.
Ambiguïté
Dans la vaste salle de La Pelota, via Palermo, ce qui devait être le clou des manifestations hors salon, la présentation de la première ligne de meubles contemporaine Hermès, a fait « pschitt ». Dans un pavillon très chichi signé Shigeru Ban et Jean de Gastines, la dizaine de prototypes imaginés par les Italiens Antonio Citterio et Enzo Mari et produits avec B&B Italia est décevante. En regard, le fabricant de vêtements Trussardi, qui lui aussi dévoile une gamme de mobilier, apparaît plus hardi, ayant fait un choix bien plus osé en la personne de l’Anglais Michael Young. Par ailleurs, on s’étonne de retrouver Enzo Mari dans cette aventure. Lui qui avait fait de la démocratisation du design un but n’a pas hésité à s’asseoir sur certains de ses principes. Il n’est pas le seul « monstre » du design italien à jongler ainsi avec l’ambiguïté. Alessandro Mendini, lui, sort une version en plastique de son fauteuil Proust (Magis). Certes, le designer poursuit son projet originel – éditer un même objet dans plusieurs matériaux –, mais le résultat est… moche.
De son côté, Michele De Lucchi a dessiné un piano sans charme pour Pleyel et démultiplié des formes identiques en porcelaine (Sèvres) et en cristal (Baccarat). Quant à Andrea Branzi, il truste les galeries du centre-ville (Calvi-Volpi, Nilufar…) et démultiplie, lui aussi, ces installations murales jusqu’à l’overdose. Seul Gaetano Pesce semble avoir pris la mesure de son pays. Pour lui, l’Italie va mal.
Pis, elle meurt. Pour preuve : cette forme sanguinolente aux contours de la Botte que Pesce a coulée avec la résine dont il fait habituellement des meubles et crucifiée sur une immense croix couleur ébène. Érigée dans le Teatro dell’Arte, l’installation s’intitule L’Italie en croix et fustige la classe politique italienne « qui, au lieu de passer son temps à se dépenser en quantité de mots, devrait proposer des projets utiles à notre pays ». Pesce critique « tous ceux qui, par leur inactivité, leur moralisme, leur égoïsme et leur conservatisme, ont « mis en croix » notre pays ». La messe est dite.
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Un demi-siècle à Milan
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°346 du 29 avril 2011, avec le titre suivant : Un demi-siècle à Milan