ÉTATS-UNIS
Après la vague d’indignation suscitée par le décès de George Floyd, la pression ne faiblit pas sur les institutions culturelles américaines.
États-Unis. Pétitions, lettres ouvertes et appels sur les réseaux sociaux se sont multipliés ces derniers mois aux États-Unis pour demander le départ de directeurs et de conservateurs de musée dont les prises de position ou le management sont jugés « toxiques » ou encore « racistes ». Dernier épisode en date de ces « guerres culturelles » appliquées au musée, l’inauguration début juin d’une peinture murale à Sterling Heights, dans la banlieue de Détroit, est venue réactiver un an de critiques à l’endroit de la direction du Detroit Institute of Arts (DIA).
Installée devant le commissariat de la ville et intitulée Protéger et Servir , cette œuvre de l’artiste Nicole Macdonald cofinancée par le DIA représente des officiers de police se tenant les mains devant un drapeau américain. Un an après les grandes manifestations antiracistes de l’été 2020 qui ont fait suite au décès de George Floyd pour dénoncer le « racisme systémique » de l’institution policière, le message a du mal à passer auprès de certains. Sur les réseaux sociaux, les critiques pleuvent : « Le musée est au cœur de l’une des plus grandes villes noires de ce pays, mais qu’est-ce qu’il vous prend ? », interpelle ainsi l’artiste Kevin Beasley sur Instagram. Dans un communiqué, le musée dit « comprendre et respecter que de nombreux membres de notre communauté se soient sentis blessés » et s’engage à revoir ses procédures de financement de projets artistiques publics.
Le collectif DIA Staff Action, qui réunit une petite centaine de personnes, dont des employés du musée, y voit un nouvel exemple de « l’incapacité de la direction du DIA de se mettre au service des diverses communautés de Détroit » . Dans une pétition lancée dès juillet 2020 sur le site Change.org et qui réunit aujourd’hui plus de 2 300 signataires, le groupe demande officiellement la démission de Salvador Salort-Pons, directeur du musée, et d’Eugene Gargaro Jr., président de son conseil d’administration. Il reproche au premier son « comportement autocratique » et « son insensibilité aux questions de race et de genre » et au second son soutien affiché au premier.
Des pétitions de ce genre ne sont pas nouvelles, mais elles sont de plus en plus nombreuses depuis la vague de colère et d’indignation suscitée par le décès de George Floyd. Elles sont amplifiées par les réseaux sociaux et, surtout, elles sont désormais suivies d’effet.
Le cas le plus emblématique est celui de Gary Garrels, le conservateur des peintures et sculptures du San Francisco Museum of Modern Art. En juillet 2020, le compte Instagram @ChangeTheMuseum, qui recueille les témoignages anonymes de comportements et de propos racistes vus et entendus au sein de musées américains, publie le verbatim d’une réunion interne sur Zoom à laquelle participait le conservateur. Alors qu’il présentait les acquisitions récentes d’œuvres d’artistes de couleur, Gary Garrels a tenu à préciser : « Ne vous en faites pas, nous continuerons bien sûr à collectionner des artistes blancs. »
Une pétition se met rapidement en place sur Change.org et réunit 300 signatures au total pour demander son départ. Bien que regrettant son « très mauvais choix de mots » , Gary Garrels est immédiatement mis à pied par sa hiérarchie. Le même mois, une lettre ouverte d’employés du Museum of Contemporary Art de Détroit dénonce les « micro-agressions racistes » et les « violents emportements verbaux » de leur directrice, Elysia Borowy-Reeder. Elle aussi doit aussitôt démissionner.
Plus récemment, le 17 février dernier, c’est Charles L. Venable, directeur du Indianapolis Museum of Art, qui devait quitter ses fonctions à la demande de son conseil d’administration. Deux lettres ouvertes, signées au total par près de 2 000 personnalités, artistes et employés du musée réclamaient sa démission suite à la publication d’une offre d’emploi pour un poste de directeur des expositions et de la médiation stipulant que le candidat devait être capable de « maintenir les publics blancs traditionnels » du musée.
Salvador Salort-Pons, soutenu par sa hiérarchie, est lui, pour l’instant, toujours en place à la tête du Detroit Institute of Arts. « Je sais que nous avons encore beaucoup de travail à faire », concède-t-il.
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Un an de « guerre culturelle » dans les musées américains
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°570 du 25 juin 2021, avec le titre suivant : Un an de « guerre culturelle » dans les musées américains