Dans sa section « Art Statements », la Foire de Bâle accueille cette année 17 expositions personnelles. Focus sur Kristina Solomoukha, Christine Rebet et Damien Deroubaix qui portent haut les tonalités artistiques françaises.
Des routes capitalistes
Kristina Solomoukha : « Fluorescent Lighting » (galerie Martine et Thibaut de La Châtre, Paris)
Le paysage urbain, sa topographie, ses courbes et ses dépressions, ses signes architecturaux et son mobilier, sa domestication par nos sociétés, sont une source inépuisable d’inspiration pour Kristina Solomoukha. Née en 1971, d’origine ukrainienne, l’artiste nous met face à quelques déroutes capitalistes. Ses maquettes aux allures publicitaires, dessins et camemberts qui rationalisent nos parcelles d’intime ingèrent les codes de l’urbanisme et de l’architecture, bâtissent d’étranges habitats aux formes alphabétiques, dressent des nœuds autoroutiers. De ces ensembles s’extrait une certaine poésie. Pour « Statements », l’installation « Fluorescent Lighting » se joue des éclairages, des formes et de leurs reflets. Cinq modules amovibles composent cette exposition-paysage qui intègre jusqu’au bureau sur roulettes des galeristes. Sur panneau d’affichage, une série d’aquarelles représentant des espaces intermédiaires – carrefours, échangeurs d’autoroute – font un clin d’œil à la « ville générique » de l’architecte-urbaniste Rem Koolhaas. Un élément hybride qui se situe entre le phare et le pylône électrique éclaire l’ensemble. Dans une cabane opaque, des animations défilent : vues de la fenêtre d’un train ou plans fixes sur les lumières d’un HLM. Des séquences qui offrent de multiples variations colorées.
Vanités pop
Damien Deroubaix(galerie In Situ, Fabienne Leclerc, Paris)
Contre la prolifération des images, les surcharges pondérales en signes, codes publicitaires et images d’Épinal, Damien Deroubaix – né en 1972 à Lille – réplique par une armada d’aquarelles, de sculptures, collages et détournements en tout genre… Son humour noir s’agrémente d’un zeste de napalm. Dans une esthétique publicitaire, ses installations s’inspirent des gentils démons de la pop culture et s’accompagnent parfois de slogans devenus désuets. Masques à gaz, chaleureuses pin-up dénudées ou masquées, latex, requins, dollars, chars et vautours…, les émotions adolescentes et ses revendications sont transposées dans l’espace d’exposition pour mieux en extraire leur substance consumériste. Pour « Statements », des frayeurs de farces et attrapes peuplent le stand de la galerie In Situ. En version aquarellée, les demoiselles de charme se font plus agressives encore. Éclairage blafard et visions lugubres. Un mirador est surmonté d’enseignes lumineuses : celles des commerces de kebab, une référence directe à l’Allemagne. Des trophées et des vanités : crânes, mâchoires d’animaux sauvages ou tubes digestifs trônent sur des étagères comme autant de signes totalitaires de pacotille. Ils forment une nouvelle version de la Tête mécanique (ou L’Esprit de notre Temps), œuvre Dada par excellence signée Raoul Haussmann.
Cruelles aquarelles
Christine Rebet(galerie Kamel Mennour, Paris)
Entre errance carrollienne et ambiance pop, les petites poupées de Christine Rebet ne sont pas aussi naïves qu’elles en ont l’air. Elles entraînent derrière elles une incroyable galerie de personnages. Dessinés d’un trait fragile, aux couleurs et contours approximatifs mais pourvus de têtes énormes, ceux-ci s’accompagnent de légendes manuscrites. Tout ce petit monde aussi onirique qu’énigmatique pourrait bien être au centre de quelques contes cruels. Une version pervertie du rêve. Un univers où les âmes sont loin de reposer en paix. Née en 1971 à Lyon et installée à Berlin, Christine Rebet est passée par la St. Martin’s School à Londres, là où tous les moyens d’expression se mêlent sur fond de pop music et de mode. L’artiste est très vite venue au film d’animation, avec des œuvres qui frôlent avec bonheur le clip vidéo. Une mise en séquence, image par image, de ses aquarelles. C’est sur une ballade sonore que Soul Hunter (2003) nous entraîne sur les traces d’un bonhomme qui boit de l’essence et finit fatalement par exploser. Brand Band New, présentée dans le cadre de « Statements », évolue sur du rap et de la country music tout en nous laissant croire à plus de douceur. Sur trois écrans, loin d’être une berceuse, cette fiction sonore nous lance sur les traces de deux sœurs assassinées et d’un cow-boy peu recommandable. De quoi frissonner en couleurs.
L’accès à la totalité de l’article est réservé à nos abonné(e)s
Trio gagnant
Déjà abonné(e) ?
Se connecterPas encore abonné(e) ?
Avec notre offre sans engagement,
• Accédez à tous les contenus du site
• Soutenez une rédaction indépendante
• Recevez la newsletter quotidienne
Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°217 du 10 juin 2005, avec le titre suivant : Trio gagnant