Le rapport que l’Inspection générale des affaires culturelles vient de remettre au ministère de la Culture témoigne du climat social délétère qui règne au Centre des monuments nationaux. Il pointe du doigt le management brutal exercé par Isabelle Lemesle, nommée en 2008 à la tête de l’institution. Embarrassée, la Rue de Valois se contente de recadrer la présidente dans une nouvelle lettre de mission.
PARIS - Les termes sont édifiants : « exigences incompréhensibles et bêtifiantes », « démantèlement de notre travail », « mode de gouvernance autoritaire et autocratique dont le maintien est assuré par un climat de défiance et de peur ». Chargés d’une inspection diligentée dans l’urgence par le ministère de la Culture, Anne Chiffert et Bernard Notari – ancien conseiller de l’ex-ministre de la Culture Christine Albanel peu soupçonnable de sympathie syndicale – ont dû faire face à un afflux de témoignages dépeignant un climat social délétère au sein du Centre des monuments nationaux (CMN), l’opérateur de l’État chargé de la gestion d’une centaine de monuments publics qui emploie près de 1 400 agents. Les deux membres de l’Inspection générale des affaires culturelles (IGAC) n’ont donc pas eu de peine à constater « la souffrance collective au travail » que la quarantaine de signalements auprès de la médecine de prévention et l’explosion du nombre d’arrêts-maladie laissaient présager.
L’ensemble de ces témoignages a été compilé dans un épais rapport de 150 pages qui, chose rare, ne sera pas communiqué aux syndicats. Officiellement, cette décision du ministère de la Culture est destinée à garantir l’impartialité de l’IGAC, « car le document contient des appréciations personnelles sur des personnes identifiables ». Il serait, en réalité, accablant pour le management dépeint comme brutal de sa présidente, Isabelle Lemesle, nommée en 2008 – à contre-cœur – par Christine Albanel, et reconduite en mai 2011 pour trois ans par Frédéric Mitterrand.
Défaillances de gestion
Isabelle Lemesle, qui n’a pas donné suite aux sollicitations du Journal des Arts, a-t-elle été confirmée à son poste avec un peu de légèreté ? Compte tenu du climat social mais aussi de certaines conclusions d’un rapport de la Cour des comptes mené sur la gestion de l’établissement, qui auraient pu alerter le ministère de la Culture dès l’automne 2010 (lire le JdA no 334, 5 novembre 2010), il y a matière à s’interroger. Très circonstancié, le rapport de la Cour signalait déjà certaines défaillances de gestion : absence de contrat de performance pourtant annoncé par sa présidente dès novembre 2008 ; centralisation excessive des décisions ; lenteurs de la mise en œuvre de la réforme de la maîtrise d’ouvrage, mais aussi fonds de roulement anormalement élevé compte tenu du niveau de subvention de l’établissement et de l’importance des travaux à mener dans les monuments. À cela s’ajoutait le constat d’un accroissement significatif des dépenses de la présidence en matière de communication ( 70%) et de frais de réception ( 41%). Depuis, la tendance ne s’est guère inversée : récemment, le CMN recevait au Grand Véfour, restaurant parisien multi-étoilé, pour la réédition d’un ouvrage sur l’architecture. D’autres griefs se sont aussi accumulés sur le bureau du ministre : l’artiste Maurice Benayoun, co-auteur d’une scénographie permanente de l’Arc de triomphe, un monument géré par le CMN, est indigné d’avoir appris par la presse que son travail, pourtant inauguré en 2008, allait être détruit au profit de l’installation d’une boutique.
Le ministère de la Culture, que le cas Lemesle semble embarrasser, a pourtant annoncé que sa seule réponse serait de recadrer la présidente par le biais d’une nouvelle lettre de mission. Au risque de l’affaiblissement d’un établissement dont le rapport de la Cour des comptes avait par ailleurs également souligné la vulnérabilité.
L’accès à la totalité de l’article est réservé à nos abonné(e)s
Tensions au CMN
Déjà abonné(e) ?
Se connecterPas encore abonné(e) ?
Avec notre offre sans engagement,
• Accédez à tous les contenus du site
• Soutenez une rédaction indépendante
• Recevez la newsletter quotidienne
Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°355 du 21 octobre 2011, avec le titre suivant : Tensions au CMN