La collection de Rudolf Bedo, juif hongrois, avait été saisie pendant la guerre par la Grande-Bretagne, puis vendue en 1955. Son fils, qui recherche les œuvres de cet ensemble depuis de nombreuses années, a été autorisé par le gouvernement britannique à demander en justice un dédommagement.
LONDRES (de notre correspondant) - L’héritier d’un collectionneur juif hongrois réclame un dédommagement pour des œuvres d’art vendues par le gouvernement britannique après la Seconde Guerre mondiale. Saisies conformément au “Trading with the Enemy Act” (loi sur le commerce avec l’ennemi), elles avaient été vendues aux enchères en 1955. Selon l’Holocaust Educational Trust établi à Londres, ces centaines de tableaux, dessins et sculptures vaudraient aujourd’hui quelque 5 millions de livres sterling (environ 50 millions de francs).
En 1939, le collectionneur Rudolf Bedo, qui vit à Budapest, expédie ses œuvres d’art à Londres afin de les mettre à l’abri. Deux ans plus tard, sa collection est saisie par les autorités britanniques, lorsque la Hongrie se rallie à l’Allemagne nazie. Une fois la guerre terminée, Rudolf Bedo ne souhaite pas intenter une action en justice pour récupérer ses œuvres, craignant des représailles du régime communiste. Selon la législation britannique en vigueur pendant la guerre et le traité de paix signé avec la Hongrie en 1948, la saisie des œuvres est légale, et, le 22 novembre 1955, la collection Bedo est dispersée par Phillips. Le produit de la vente servira à compenser les pertes des Britanniques dans les pays ennemis. Les 34 tableaux, 15 lots de dessins (dont plusieurs comprenaient de nombreuses œuvres) et 30 lots de sculptures rapportent plusieurs milliers de livres, et, avec d’autres œuvres écoulées par d’autres moyens, le total réalisé par la collection s’élève à 4 500 livres.
Rudolf Bedo est décédé en 1978 mais, la même année, son fils Gabor, âgé de 67 ans, avait demandé à l’Holocaust Educational Trust de l’aider à retrouver les tableaux disparus. Par chance, il possédait toujours une copie de l’inventaire dressé par son père, ainsi que des photographies des principaux tableaux. On a alors pu retrouver au Public Record Office des documents attestant la vente de “54 lots de biens domestiques” ayant appartenu à Rudolf Bedo.
Deux tableaux italiens ont été retrouvés. La Vierge à l’Enfant de Jacopo di Cione est réapparue chez Sotheby’s en 1985, où elle a été vendue 36 000 livres. Ce panneau datant du XIVe siècle a été acheté par la galerie londonienne Colnaghi, qui en est toujours propriétaire, et sa valeur actuelle est vraisemblablement supérieure à 100 000 livres. Saints Cosme et Damien de Matteo di Pacino (également attribué au Maître de la chapelle Rinuccini) a été donné au North Carolina Museum of Art en 1961. Ces deux œuvres avaient été achetées légalement et en toute bonne foi. On a essayé de retrouver d’autres œuvres vendues chez Phillips, mais sans succès. Parmi les tableaux qui ont disparu sans laisser de trace, figurent une Déploration du Christ de Van Dyck, un portrait d’homme signé Piazzetta, un paysage avec des pêcheurs de Van Goyen, et une nature morte aux fleurs de Renoir.
Il y a peu de temps encore, Gabor Bedo aurait eu les plus grandes difficultés à intenter une action en justice contre le gouvernement britannique, mais, en mars dernier, le ministère du Commerce et de l’Industrie a annoncé que dans certains cas, il pourrait dédommager les victimes des nazis dont les biens avaient été confisqués par la Grande-Bretagne pendant la guerre. Gabor Bedo vient donc de déposer une plainte auprès des autorités britanniques et enverra une requête officielle dès qu’une procédure sera mise en place. Cependant, il doute fort de pouvoir récupérer les œuvres. “Si je pouvais récupérer un seul des tableaux ayant appartenu à mon père, ce serait une immense joie pour moi”, a-t-il déclaré.
- Giuseppe Bazzani (anciennement attribué à Van Dyck), Sainte en extase, vendue par Finarte, Milan, en 1962. - Giacomo Ceruti (anciennement attribué à Honthorst), Jeune femme se coiffant. - Luca Giordano, Saint Jean de Capistran. - Giambattista Pittoni, Tête de femme lisant. - Pietro de Rotari, Tête de femme en pâmoison, vendu chez Christie’s le 15 octobre 1970.
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Spoliations : Londres évolue
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°69 du 23 octobre 1998, avec le titre suivant : Spoliations : Londres évolue