L’artiste, figure incontournable de l’art conceptuel, est décédé le 8 avril à New York. Il avait mené une réflexion entre planéité, espace de l’expérience et sensibilité.
PARIS - Sol LeWitt est disparu le 8 avril à l’âge de 78 ans des suites d’un cancer à New York. Il laisse un œuvre qui témoigne de la richesse de l’art conceptuel et de l’art minimal tels qu’ils se sont précisés aux États-Unis dans les années 1960 aux côtés de Robert Morris, Donald Judd, Carl André et Eva Hesse avant le tournant linguistique du conceptuel. Le primat de la conception sur la mise en œuvre, de sa formulation comme programme énonçable, le retrait de la figure de l’artiste et la délégation de l’exécution, le refus de la subjectivité, la sérialité, Sol LeWitt les a portés dans la continuité, après leur affirmation au travers de quelques textes programmes comme ses Paragraphs on Conceptuel Art parus dans la revue Artforum en 1967. Mais il n’a cessé d’élargir les formes de sa pratique, depuis les jeux avec une géométrie simple des volumes et de leur combinatoire dans l’espace – Serial Project A, B, C, D en 1966, à Londres, ou 5 Part Piece (Open Cubes) in Form of a Cross, 1966-1969, au Musée national d’art moderne à Paris – aux peintures murales à usage décoratif à partir de 1968 – Wall Drawing n°711 au Musée des beaux-arts d’Amiens, 1992 –, en passant par quelques séries photographiques, en s’arrêtant souvent au travail de l’édition. Il est d’ailleurs l’un des fondateurs en 1976 de Printed Matter, éditeur new-yorkais. Entre héritage constructiviste et psychologie cognitive, Idea néoplatonicienne et structuralisme, objet mathématique et mise en cause de la pérennité de l’œuvre, son travail demeure bien irréductible à un propos théorique, reposant aussi sur l’intuition et capable d’un humour froid. Preuve en est son exposition de 2004 à la Collection Lambert à Avignon intitulée « Autobiography », reprenant le nom d’une pièce photographique de 1980, alors qu’il a justement travaillé à l’effacement de la figure publique de l’artiste.
Formé aux arts graphiques, il part pour deux ans de guerre en Corée avant de revenir à New York en 1953. Il est graphiste, illustrateur, dessinateur un moment dans l’agence du jeune architecte I. M. Pei. Il rencontre ensuite Dan Flavin, Robert Mangold et Robert Ryman alors qu’il a un petit boulot au MoMA de New York. Il montre ses premiers travaux en 1963. Dès 1966, il est associé aux expositions majeures qui jalonnent la période, de « Primary Structures » (1966, Jewish Museum, New York) à « Quand les attitudes deviennent formes » (1969, Berne), développant son travail dans le sens d’une réflexion entre planéité, espace de l’expérience et liberté vis-à-vis de la sensibilité, en particulier par le jeu de la couleur. La rétrospective de 1978 au MoMA de New York marque pour lui le temps d’une distance qu’il prend en s’installant à Spolète, en Italie, au début des années 1980. Il travaille alors souvent sur place au gré des expositions et des commandes, supervisant les réalisations tout en laissant une part certaine à l’interprétation à partir de ses énoncés à la fois prescriptifs et ouverts. L’élégance formelle, voire l’effet de style des travaux liés à l’architecture ne s’opposent finalement guère aux propos de 1966 quand LeWitt affirmait que « l’artiste sériel n’entend pas produire un objet chargé de beauté ou de mystère, mais agit purement comme un greffier dressant le catalogue des solutions du principe ». Attentif aussi à l’art des autres qu’il soutint volontiers en collectionnant, ce « greffier » sensible est définitivement un personnage clef à l’échelle de son presque demi-siècle d’activités, au travers d’une pratique qui a trouvé toute sa place dans le musée.
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Sol LeWitt, jusqu’à l’effacement
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°258 du 27 avril 2007, avec le titre suivant : Sol LeWitt, jusqu’à l’effacement