L’artiste allemand Sigmar Polke s’est éteint à l’âge de 69 ans, le 11 juin à Cologne, des suites d’un cancer. Polke, qui n’aura jamais cessé d’expérimenter, s’était d’abord illustré en fondant le Réalisme capitaliste avec Gerhard Richter et Konrad Fischer. Figure tutélaire pour des générations d’artistes, Polke a notamment obtenu le Lion d’or à la 42e Biennale de Venise en 1986.
BÂLE - Sigmar Polke est né en 1941 dans l’ancienne région allemande de Basse-Silésie (aujourd’hui en Pologne). Sa famille fuit vers la Thuringe en 1945 et, huit ans plus tard, vers l’Allemagne de l’Ouest. Il fait ses premières armes comme apprenti dans une fabrique de vitraux à Düsseldorf avant d’intégrer l’Académie des beaux-arts, au moment où Joseph Beuys y enseigne la sculpture monumentale. En 1963, il fonde le mouvement du « Réalisme capitaliste » avec Gerhard Richter et Konrad Fischer (lire p. 35). Il innove sans cesse, expérimentant des matériaux inhabituels, s’essayant tour à tour à l’estampe et à la sculpture, tournant en dérision le pop art américain tout en réalisant des photographies, des dessins et des peintures.
Pas d’assistant
« Aucun artiste n’a eu autant d’influence sur d’autres artistes que Polke », estime Gordon VeneKlasen, l’un des directeurs de la galerie Michael Werner (New York et Cologne), qui présentait à la dernière la Foire de Bâle une installation magistrale de l’artiste, Laterna Magica (1988-1996). « Et les gens ne mesurent pas encore à quel point son champ d’activités était étonnamment vaste. Il touchait à tant de domaines, la photographie, la sculpture, la peinture, le film…, il n’y avait rien qu’il n’ait déjà fait. Il allait toujours de l’avant, se renouvelant à chaque exposition. En outre, il était incroyablement cultivé, et il avait une bibliothèque impressionnante avec une somme d’ouvrages d’histoire de l’art et jusqu’à des livres sur les Indiens de Mésoamérique, des études de géographie et de géologie – tout le fascinait ! »
Sigmar Polke a bénéficié de sa première exposition personnelle à la galerie Michael Werner en 1970, alors qu’il habitait encore à Düsseldorf. Il est resté fidèle à la galerie, et, ces vingt dernières années, il ne travaillait quasiment qu’avec elle. « Nous étions très proches », explique Gordon VeneKlasen. « Polke était singulier en ce sens qu’il n’avait pas d’assistant, donc j’œuvrais un peu comme son assistant personnel ; il était plutôt reclus et il était assez difficile d’avoir accès à son atelier. Mais c’était un homme délicieux, avec un grand sens de l’humour, d’une grande générosité mais aussi d’une grande précision. »
D’après VeneKlasen, son impact sur les artistes plus jeunes était très grand : « Il a eu une influence directe sur la génération de [Martin] Kippenberger et [Markus] Oehlen ; Peter Doig fait sans arrêt référence à lui, en disant : «Je ne regarde jamais Richter ; je regarde seulement Polke.» »
Les œuvres de Sigmar Polke figurent dans les musées du monde entier, parmi lesquels le MoMA (New York), la Tate Modern (Londres), la Kunsthaus de Zurich, le Museo Nacional Centro de Arte Reina-Sofía (Madrid) et le Musée d’art moderne d’Osaka. Howard Rachofsky, grand collectionneur de Dallas, détient pour sa part des pièces majeures.
1941 Naissance à Oels (Basse-Silésie, Allemagne).
1945 Sa famille fuit en Thuringe (Allemagne de l’Est).
1953 Fuit vers l’Allemagne de l’Ouest, puis s’installe à Düsseldorf.
1961-1967 Études à l’Académie des beaux-arts de Düsseldorf sous la codirection de Karl Otto Goetz et Gerhard Hoehme.
1963 Fonde le Réalisme capitaliste (Kapitalistischen Realismus) avec Gerhard Richter et Konrad Fischer.
1964 « Neodada Pop Decollage Kapitalistischer Realismus », à la galerie René Block, Berlin. Reçoit avec Klaus Geldmacher et Dieter Krieg le prix des « Jeunes Allemands » à Baden-Baden.
1975 Récompensé dans la catégorie Peinture à la 13e Biennale de São Paulo.
1977-1991 Professeur à l’Académie des beaux-arts de Hambourg.
1978 S’installe à Cologne.
1986 Lion d’or à la 42e Biennale de Venise.
2002 Prix Praemium Imperiale décerné par l’Association d’art du Japon.
2007 Rétrospective au Mumok (Museum Moderner Kunst) à Vienne (Autriche).
2009 Fait Membre honoraire de l’American Academy of Arts and Letters (New York).
2010 Reçoit le prix Roswitha-Haftmann, Zurich. Décède le 10 juin, à Cologne, des suites d’un cancer.
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Sigmar Polke s’est éteint
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°328 du 25 juin 2010, avec le titre suivant : Sigmar Polke s’est éteint