Severen à la recherche du moinsDeux mots semblent aujourd’hui honnis du vocabulaire des designers : « minimal » et « néo-modernisme ». Sans doute trop à la mode, ils reflètent cependant une réalité indiscutable concernant un groupe dont font partie le Belge Maarten Van Severen, l’Anglais Jasper Morrison (LŒil n°518) et l’Allemand Konstantin Grcic. Cette lecture minimaliste de leur design est proche de la démarche des artistes américains des années 70 et de leur relecture des idéaux modernistes des années 30.Elu créateur de l’année 2001 du Salon du Meuble de Paris, Severen parle de géométrie, de précision, de rigueur, voire d’austérité, de simplicité poussée à son extrême, autant que de recherche du « moins », de l’économie, de l’élémentaire. Avec moins d’utopie que celle des mythes du modernisme. Il jongle mieux avec l’idée de petite et grande série, il est plus curieux des possibilités des nouveaux matériaux de synthèse (surtout le polyuréthanne injecté) tout en restant très attaché au métal (l’aluminium massif), il accorde plus d’importance au confort et affine les usages et l’art d’en vivre. Il cherche à inventer un nouvel humanisme et une nouvelle éthique des objets face à un monde contemporain plus complexe, mouvant et virtuel. Mais il ne faudrait pas réduire le travail de Maarten Van Severen à ces valeurs dominantes que sont la simplicité, la discrétion, bref une nouvelle forme rampante du « bon goût ». Severen est un grand créateur et tout ce qu’il fait s’impose par son évidence, sa justesse, sa présence poétique, dans le registre du minimum. Après des études d’architecture à l’Institut Saint-Luc de Gand, il collabore avec l’architecte néerlandais Rem Koolhaas, notamment pour la maison Lemoine près de Bordeaux (1999). Il a travaillé aussi avec Renzo Piano et Jean-François Bodin à la restructuration intérieure du Centre Pompidou (BPI) et avec Jean-Paul Viguier pour le mobilier extérieur autour du Pont du Gard à Nîmes (2000). Severen n’apparaît réellement sur la scène internationale que vers 1993-95, présentant une chaise basse très sculpturale en aluminium cintré et pliée comme un « origami », d’une pureté saisissante. Un voyage au Japon l’a conforté dans ses désirs de travailler sur l’idée du vide et la philosophie zen le touche profondément. Il crée alors Maarten Van Severen Meubelen pour s’autoéditer, en liaison avec de petites entreprises gantoises. C’est là qu’il construit sa première chaise en aluminium qui deviendra la 03 après un travail acharné d’expérimentations minutieuses avec les designers de Vitra. Editée en série, elle doit son succès à une astucieuse combinaison de sobriété et de confort. De même la dernière née MSV Chaise de cette année, petit chef-d’œuvre de légèreté, graphique comme un signe calligraphique, réunit toutes ses qualités : apparente rigidité qui donne confiance grâce à sa coque en polyuréthanne et grande flexibilité de l’assise et du dossier qui accompagne chaque mouvement. On se croirait allongé sur un tapis volant ! Autre talent : son mobilier engendre littéralement du silence, évoque luxe, calme, et sérénité, dans un dépouillement d’où sont bannis les détails visibles ou anecdotiques. Pour atteindre un tel épurement, Severen est forcément obsédé par l’expérimentation. Car comme l’a dit Le Corbusier « Le simple n’est pas le facile ». Severen est aussi artisan, ingénieur, constructeur et dessinateur. Sans utiliser les calculs sur ordinateur, il fabrique des maquettes grandeur nature qui lui permettent de mieux percevoir et décomposer l’évolution parfois minime de la forme la plus simple. Il utilise dernièrement plus volontiers la couleur (le bleu de son divan édité chez Edra met en relief sa géométrie rigoriste autant que le ludisme caché de ses transformations potentielles). Maarten Van Severen a l’élégance de rendre insoupçonnables ses prouesses. Ne serait-ce pas le comble de la sophistication ?
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°524 du 1 mars 2001, avec le titre suivant : Severen à la recherche du moins