Au carrefour de l’architecture et des arts de la scène, la scénographie a su développer un langage propre. Élément essentiel de la muséographie contemporaine, cette discipline touche des domaines aussi divers que le théâtre, le cinéma, ou la télévision. À l’occasion de la journée débat du cycle « Musée-Musées » organisée au Louvre sur le thème de la scénographie des expositions temporaires, le Jda consacre sa rubrique « métier » à une profession en plein devenir : scénographe.
Historiquement liée au théâtre, la scénographie conquiert des champs d’application de plus en plus vastes. Le scénographe est amené à concevoir des décors de théâtre ou de cinéma, mais aussi à mettre en scène des objets ou des idées. Les filières qui mènent à cette profession sont à l’image de cette diversité. Un enseignement spécifique est dispensé dans certains établissements spécialisés comme l’École nationale supérieure des arts et techniques du théâtre mais aussi dans des écoles plus généralistecomme l’École nationale supérieure des arts décoratifs (Ensa-d) ou l’École d’architecture de Nantes. Même si la scénographie de théâtre ne constitue qu’un débouché parmi d’autres, son enseignement est à la base de toutes les formations. Certains établissements élaborent d’ailleurs de véritables partenariats avec le milieu du spectacle : “L’Ensa-d a tissé des liens étroits avec le Conservatoire des arts dramatiques. Durant l’année du post-diplôme, les étudiants assistent à des cours d’interprétation afin de mieux comprendre le jeu des comédiens et leurs déplacements dans l’espace. Des projets communs sont réalisés avec les élèves de 3e année du Conservatoire. Ils créent leur première mise en scène et nous, notre première scénographie”, raconte Virginie Delage, scénographe et ancienne élève de l’Ensa-d. L’exercice de cette profession requiert une culture générale très étendue, un sens créatif développé mais aussi de solides connaissances en architecture. L’orientation vers cette discipline se fait donc généralement en fin de cursus ou en poursuivant ses études par un 3e cycle, après avoir acquis les savoirs fondamentaux. Selon les opportunités et leurs intérêts, les élèves choisissent ensuite leurs domaines de prédilection tout en étant conscients de la nécessaire polyvalence de leur métier. “Après avoir obtenu mon diplôme d’architecte, j’ai décidé de suivre le 3e cycle DPEA de scénographe à l’École d’architecture de Nantes-Atlantique. J’ai découvert avec bonheur la scénographie d’exposition. La démarche du scénographe est proche de celle de l’architecte, mais elle s’inscrit dans une durée beaucoup plus éphémère. Les rapports d’échelle sont également différents : la muséographie m’a plu car elle me paraît plus ‘humaine’”, confie Anne Lebas, étudiante en dernière année de 3e cycle, et scénographe de l’exposition intitulée “Mille sabords ! Tintin, Haddock et les bateaux”, actuellement présentée au Musée national de la marine à Paris. La plupart des étudiants acquièrent une expérience professionnelle pendant leur formation en réalisant des stages. Essentiels à leur future entrée sur le marché du travail, ceux-ci leur permettent d’établir des contacts avec une profession où le bouche à oreille et les relations constituent encore la meilleure carte de visite. Ils offrent aux étudiants l’opportunité de se confronter aux dures réalités du métier. “Lorsqu’on débute, il nous manque incontestablement l’expérience du terrain. Il faut savoir s’adapter aux contraintes des chantiers : délais et moyens restreints. Le plus difficile, c’est de savoir concrétiser ses projets, de passer du concept à la réalisation : il faut avoir la tête dans la lune mais les pieds sur terre !”, ajoute Virginie Delage. Les enseignants, pour la plupart professionnels, jouent un rôle essentiel en servant de relais. Ils établissent un pont entre la vie étudiante et la vie active. Mais une des difficultés majeures des jeunes diplômés reste la précarité de leur statut à la sortie de leur formation : la majorité des scénographes sont intermittents du spectacle, certains sont indépendants ou salariés dans des agences d’architecture. Trois ou quatre années sont généralement nécessaires pour atteindre un revenu supérieur au Smic.
Dans le domaine de la muséographie, rares sont les institutions munies d’un département chargé de la scénographie. Cette tâche échoue la plupart du temps aux conservateurs qui sont chargés d’agencer les collections permanentes. Avec le développement des expositions temporaires depuis les années 1980, et la professionnalisation du milieu culturel, la scénographie est devenue l’attribut essentiel d’une muséographie de qualité. Au Louvre, une équipe conçoit en interne la scénographie des expositions temporaires, et crée les aménagements nécessaires lors des déplacements des œuvres de la collection. “Notre rôle est de mettre en valeur les objets. Discrète, la scénographie doit structurer un parcours et permettre aux visiteurs de découvrir les œuvres dans les meilleures conditions possibles”, conclut Philippe Maffre, responsable de la division Études, au sein des travaux muséographiques du Louvre.
École nationale supérieure des arts décoratifs (Ensa-d)
31 rue d’Ulm, 75240 Paris cedex 05. Tél. : 01 42 34 97 00. http://www.ensad.fr
École nationale supérieure des arts et techniques du théâtre, 2 rue Sœur-Bouvier, 69005 Lyon. Tél. : 04 78 15 05 05. L’école abrite l’association « Réso-scéno » chargée de promouvoir le travail des jeunes scénographes.
À consulter : Jeunes scénographies, Avignon, Réso-scéno et Maison Jean-Vilar, 2000, 100 F.
École d’architecture de Nantes-Atlantique, rue Massenet, 44300 Nantes. Tél. : 02 40 16 01 21.
« La scénographie des expositions temporaires », journée-débat du cycle « Musée-Musées », mercredi 16 mai 2001. Auditorium du Louvre. Tél. : 01 40 20 51 86.
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Scénographe
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°127 du 11 mai 2001, avec le titre suivant : Scénographe