Dès les années 1950, Raymond Savignac a élaboré un style simple, spontané, drôle et efficace, auquel il est resté fidèle tout au long de son œuvre. La bibliothèque Forney, à Paris, lui rend hommage à travers une sélection d’affiches réalisées de ses débuts à nos jours, pour les pansements Tricosteril, l’eau de Vichy Célestins, les cigarettes Gitanes, Air France, les laines d’Aoust ou encore les films de Robert Bresson, Yves Robert et Bertrand Tavernier.
“Etre affichiste est un fichu métier, mais c’est le plus beau que je connaisse. Chaque matin je me réveille tout neuf. Je suis un privilégié : ma journée de travail qui commence est une pochette surprise. J’en sors des pneus, des yaourts ou des crayons à bille”, écrit Raymond Savignac dans sa biographie parue en 1988, faisant allusion aux campagnes de publicité de Dunlop, Yoplait ou Bic. Pour ces firmes, et bien d’autres, il a imaginé des affiches simples mais efficaces : “une seule image pour une seule idée, un raccourci saisissant et clair. Un dessin sans légende ne prêtant pas à la confusion [...Dès les années 1950, Raymond Savignac a élaboré un style simple, spontané, drôle et efficace, auquel il est resté fidèle tout au long de son œuvre. La bibliothèque Forney, à Paris, lui rend hommage à travers une sélection d’affiches réalisées de ses débuts à nos jours, pour les pansements Tricosteril, l’eau de Vichy Célestins, les cigarettes Gitanes, Air France, les laines d’Aoust ou encore les films de Robert Bresson, Yves Robert et Bertrand Tavernier.
“être affichiste est un fichu métier, mais c’est le plus beau que je connaisse. Chaque matin je me réveille tout neuf. Je suis un privilégié : ma journée de travail qui commence est une pochette surprise. J’en sors des pneus, des yaourts ou des crayons à bille”, écrit Raymond Savignac dans sa biographie parue en 1988, faisant allusion aux campagnes de publicité de Dunlop, Yoplait ou Bic. Pour ces firmes, et bien d’autres, il a imaginé des affiches simples mais efficaces : “une seule image pour une seule idée, un raccourci saisissant et clair. Un dessin sans légende ne prêtant pas à la confusion […]. Il faut être rugueux, primitif, pratiquer un vocabulaire qui doit tendre à l’universel : l’évidence”, précise-t-il. Car, Savignac le sait mieux que quiconque, “le public ne regarde pas une affiche, il la voit”. Celle qu’il crée pour Monsavon au lait, en 1949, est un succès considérable. Elle le révèle au public et lui rapporte une multitude de commandes. Il entre soudainement dans le patrimoine graphique. Dans cette affiche, le savon sort directement des pis de la vache. La représentation est dynamique, vivante, le message est incontestable. Il en est de même pour le célèbre personnage de la publicité Aspro, dont le visage en souffrance est traversé par une série d’automobiles, ou celui de Danone qui cueille directement des yaourts fruités à un arbre. Afin d’illustrer les demi-tarifs que propose la SNCF, il montre un demi-homme et une demi-femme ! Pour les matelas en laine Trecas, un mouton sur ressorts surgit du sommier. Là encore, Savignac vise l’essentiel. Il dessine de façon très simplifiée, à la manière d’un enfant. “Pour qu’une affiche se voie, il faut dessiner gros. Ce qui ne veut pas dire grossièrement, explique-t-il. L’affiche est un art d’expression. Pas de l’art décoratif. À trop faire joli, on oublie en route ce que l’on veut signifier.” Le dessin est fortement cerné, la mise en page est sommaire, le fond fait ressortir les personnages, de même que l’association des couleurs – essentiellement primaires – n’est jamais arbitraire ; elle souligne le propos.
Le rire, la santé, le plaisir
Pour la rétrospective, Anne-Claude Lelieure, conservatrice à la bibliothèque Forney, a sélectionné des affiches incontournables, telle Le Figaro, et d’autres plus rares, comme celle que Savignac réalisa dans l’atelier de Cassandre pour le Chemin de fer du Nord. “La manifestation a été quelque peu difficile à organiser, explique Anne-Claude Lelieure. Depuis onze ans que nous mettons en valeur les affichistes, nous n’avons pu inviter Raymond Savignac qu’aujourd’hui, parce qu’il ne tenait pas particulièrement à une exposition sous forme de rétrospective. Il dessine toujours à quatre-vingt-treize ans et ce genre d’événement lui faisait penser à la fin de sa carrière !” Les dessins rassemblés révèlent une œuvre avant tout humoristique : afin de “faire vendre par le rire, par la santé, par le plaisir”, Savignac a réinventé le comique de situation. En témoigne le bœuf du bouillon Maggi qui regarde cuire son postérieur ou le bonhomme d’Air Wick au nez démesuré, accompagné du slogan “pour ceux qui ont du nez”. Savignac réalisa également des campagnes plus sérieuses. En 1973, il élabore ainsi le poster Non à l’autoroute Rive gauche pour le comité de sauvegarde du site de Notre-Dame, “menacé” par la construction d’une auto-berge. Personnifiée, la cathédrale est prise dans une marée de voitures noires et, tel un noyé, appelle au secours par l’intermédiaire de deux grosses mains qui sortent de ses tours. “Dans la métamorphose, ce qui intéresse Savignac, ce n’est pas le résultat, c’est le passage ; c’est en quelque sorte l’infixable qu’il fixe, écrit à ce sujet Roland Barthes. Nous éprouvons ainsi le plaisir de voir le sens s’élaborer devant nous, nous participons à un travail créateur de signes, plus que nous ne consommons son résultat. L’art de Savignac est ainsi un art du futur imminent.” Aujourd’hui retiré à Trouville, Savignac continue son travail et fait éditer lui-même les affiches qui n’ont pas trouvé preneurs. Démodé pour les uns, impérissable pour les autres, il reste une référence. Pour Alain Weill, auteur de Savignac de A à Z, “à une époque où la publicité nous abreuve d’images presque toujours médiocres, Savignac émerge comme un géant de la communication, un modèle”.
SAVIGNAC À FORNEY, jusqu’au 12 janvier 2002, hôtel de Sens, 1 rue du Figuier, 75004 Paris, tél. 01 42 78 14 60, tlj sauf lundi et dimanche, 13h30-20h (ouvertures exceptionnelles les dimanches 16 et 23 septembre, 10h30-18h). Catalogue, collection Affichistes, 544 pages, 287 F (44 euros).
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Savignac ou l’art de l’évidence
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°132 du 14 septembre 2001, avec le titre suivant : Savignac ou l’art de l’évidence