Des mèches de Ramsès II mises en vente par un Français fragilisent les liens diplomatiques avec l’Égypte.
SAINT-ÉGRÈVE - « Je vends une mèche de cheveux ayant appartenu à Ramsès II. » Contrairement aux apparences, il ne s’agit pas d’un mauvais canular, mais d’une petite annonce tout ce qu’il y a de plus sérieux passée fin novembre sur le site Internet « vivastreer.fr ». Son auteur ? Le fils d’un ancien membre de l’équipe scientifique ayant analysé la momie royale il y a trente ans. Conservée au Caire, la momie de Ramsès II avait été envoyée en France en 1976 pour déterminer les causes du mal qui l’endommageait. Ayant diagnostiqué la présence d’un champignon rare, les chercheurs français avaient traité la momie avant de la faire rapatrier. Les cheveux, bandelettes et morceaux de résines qui s’étaient alors détachés du corps avaient été analysés par une quarantaine de laboratoires de recherche en France, parmi lesquels le CEA de Grenoble où travaillait le père (décédé en 2001) du vendeur. Pour 2 000 à 2 500 euros, ce postier de 50 ans résidant à Saint-Égrève, en Isère, proposait des mèches de cheveux du pharaon qui régna de 1279 à 1213 avant notre ère, mais aussi de la résine d’embaumement et des bandelettes.
Peu après la mise en ligne de l’annonce, une enquête policière a été lancée le 28 novembre. Interpellé à son domicile et placé en garde à vue le jour même, le vendeur a été remis en liberté le lendemain, avant de présenter ses excuses à l’Égypte en direct sur le plateau de la chaîne de télévision France 3 Rhône-Alpes/Auvergne. Parallèlement, la communauté d’égyptologues français a multiplié les déclarations condamnant unanimement ces actes. Mais cela n’a pas suffi à calmer la colère du secrétaire général égyptien du Conseil supérieur pour les antiquités, Zahi Hawass. Ce dernier a exigé une totale transparence de la France dans l’enquête, affirmant que le scandale risque « d’endommager les relations avec l’Égypte ». Il a exigé la restitution de tous les éléments, qui se résument à quelques grammes d’échantillons conservés dans de petits sacs en plastique. Transmis à l’Office central des biens culturels à Paris, après que leur authenticité aura été vérifiée, ces restes seront « rendus à qui de droit », a déclaré le procureur de la République français. Sans clause précise sur le retour des fragments, « l’habitude est qu’ils restent à la disposition des laboratoires », a-t-il toutefois précisé. Quand bien même les cheveux seraient restitués, les relations, relativement tendues ces dernières années, entre les égyptologues français travaillant sur le terrain et le Conseil supérieur pour les antiquités risquent de pâtir de cette déplorable histoire.
Tandis que la polémique sur les cheveux de Ramsès II se poursuivait, le 8 décembre, les présidents français et égyptiens, Jacques Chirac et Hosni Moubarak, accompagnés de leurs épouses, ont inauguré l’exposition du Grand Palais consacrée aux vestiges que l’équipe sous-marine de l’archéologue français Franck Goddio a récemment extraits de la mer. Découverts dans la baie d’Aboukir et le port d’Alexandrie, ces pièces (au nombre de 500) relatent 1 500 ans d’histoire, de l’Égypte antique au IXe siècle de notre ère. Parmi les œuvres d’exception, citons le colosse Hapy, dieu de la crue du Nil, vieux de 2 000 ans, présenté aux côtés des sculptures hautes de plus de cinq mètres et en granit rose d’un roi et d’une reine. Ces trésors, qui comptent aussi des monnaies, statuettes de dieux et objets de la vie quotidienne, gisaient depuis des centaines d’années au large du delta du Nil. « Trésors engloutis d’Égypte », Grand Palais, Avenue Winston- Churchill, 75008 Paris, tlj 10h-20h, nocturne jusqu’à 22h le mercredi (et le vendredi pour le mois de décembre). Jusqu’au 16 mars 2007.
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À s’arracher les cheveux
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°249 du 15 décembre 2006, avec le titre suivant : À s’arracher les cheveux