Almanachs, cartes postales, photographies... Faute d’argent, Henri Rousseau a voyagé à travers les revues illustrées et les visites du Muséum d’histoire naturelle. D’où cet exotisme parisien.
Au regard de l’exotisme de sa peinture, de la vitalité des couleurs et de la luxuriance des paysages représentés dans ses Jungles, on serait tenté de croire qu’à l’instar de Gauguin, son exact contemporain, le Douanier Rousseau a parcouru les océans et voyagé aux quatre coins du monde. Il n’en est rien. Son plus grand dépaysement consiste à se rendre au Muséum d’histoire naturelle ou au Jardin d’acclimatation. Il puise l’essentiel de son inspiration dans la lecture des récits de voyages, dans les albums dont celui des bêtes sauvages, les photographies et les cartes postales. Tout un répertoire de signes et d’éléments qu’il se plaît à orchestrer dans ses compositions.
Un exotisme de zoo en plein dans l’air du temps
Surpris !, l’œuvre qui ouvre l’exposition, est la première grande Jungle connue de Rousseau, présentée au Salon des Indépendants de 1891 et repérée par Félix Vallotton. Les autres toiles sur le même thème ne sont peintes qu’à partir de 1905. Le Lion ayant faim se jette sur l’Antilope est exposé cette année-là au Salon d’Automne, dans la « cage aux fauves » aux côtés de Henri Matisse, André Derain, Maurice de Vlaminck, Albert Marquet et Kees Van Dongen.
Parmi les œuvres les plus accomplies de cette série, on retiendra notamment un spectaculaire Combat de tigre et de buffle (1908), Cheval attaqué par un jaguar (1910) ou encore une Forêt tropicale avec singes (1910) inspirée par les facéties des macaques et des gorilles observés à la ménagerie du Jardin des plantes.
Le Douanier Rousseau revendique pleinement ce goût pour l’exotisme ancré dans l’air du temps, pour les animaux et cette nature luxuriante à laquelle il rend le plus coloré des hommages.
Observées dans leur globalité, les œuvres de Rousseau, toutes peintes entre 1880 et 1910, composent un panorama varié. La naïveté de ses portraits, en rupture radicale avec l’art officiel, sera également sa marque de fabrique. C’est certainement le caractère hors norme et inclassable, de l’œuvre du peintre qui provoqua de virulentes critiques.
Rousseau « photographie » un Paris « d’Épinal »
Qu’il s’agisse des Jungles ou des paysages urbains, Paris est au cœur de ses œuvres, de façon détournée ou non. Plus de la moitié de sa production est ainsi consacrée à la capitale et à sa banlieue, des vues de Paris préservées de l’avènement de la modernité et du monde industriel en plein essor, un Paris paisible de promenade.
Le Douanier Rousseau privilégie les bords de Seine, les ponts, les parcs et les jardins (Le Jardin du Luxembourg, 1909 ; L’Allée du parc de Saint-Cloud, 1908). La modernité apparaît par quelques détails, un poteau télégraphique ici, une cheminée d’usine là. Sans se soucier de perspective et des règles traditionnelles inhérentes au paysage, il propose des visions naïves d’un Paris intemporel.
Dans ses portraits, le Douanier Rousseau choisit d’immortaliser ses voisins et les commerçants du quartier de Plaisance, près de Montparnasse, où il habite de 1870 à 1910. Ses visages sont frontaux, souvent inspirés des cadrages de la photographie.
Enfin, l’artiste a réalisé des tableaux poétiques, emplis d’un imaginaire onirique, visibles dans la dernière section de l’exposition, telle sa Charmeuse de serpents exposée au Salon d’Automne de 1907, mélange subtil et étrange d’orientalisme et de modernité.
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Rousseau, globe-trotter au Jardin des plantes
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°579 du 1 avril 2006, avec le titre suivant : Rousseau, globe-trotter au Jardin des plantes