Plusieurs centaines de professionnels et amoureux du patrimoine se sont rassemblés à la Mutualité, à Paris, pour défendre une certaine idée de la politique culturelle. Face à la tentation hégémonique du marché, le comité de sauvegarde « Patrimoine et résistance » appelle de ses vœux une réaction citoyenne.
PARIS - Qui l’eût cru ? Le meeting organisé par l’association “Patrimoine et résistance” a fait salle comble le vendredi 30 mars à la “Mutu”. Ils étaient quelques centaines de chercheurs, conservateurs, ethnologues, archéologues, bibliothécaires, archivistes, personnels de musée ou simples citoyens à se réunir ce soir-là autour du mot d’ordre “Non à la destruction du patrimoine national !”
À la tribune, une large banderole sur laquelle on pouvait lire “Le patrimoine culturel est le bien de tous... Il ne peut être accaparé par quelques-uns pour faire du profit... Non à la destruction de musées nationaux...” Pendant deux heures, une quinzaine d’intervenants ont entrepris l’inventaire des menaces, réelles ou supposées, qui pèsent sur le patrimoine français et ses musées.
En qualité de “caution morale” du mouvement, l’ethnologue et cinéaste Jean Rouch donnait le ton de la soirée : “Personnellement, j’étais prêt à descendre dans la rue... Éventuellement pour empêcher toute dégradation du Musée de l’homme. [...] On viendra avec des marteaux et on cassera la gueule de ceux qui veulent casser les vitrines !” La tentative d’incendie criminel au palais de Chaillot – la nuit précédente ! – était clairement stigmatisée. Comme l’ont été ensuite la “dislocation” du Musée de l’homme et le “démantèlement des collections et des fonds d’archives” du Musée des arts et traditions populaires : ni la création du Musée du quai Branly à Paris, ni celle du Musée des civilisations de l’Europe et de la Méditerranée à Marseille, à l’origine de ces restructurations, ne trouvèrent grâce aux yeux des orateurs. Un point de vue partagé par les personnels du Musée de l’homme, dont les récentes grèves ont précisément conduit au report sine die du déménagement des collections d’ethnologie.
En contrepoint de ces “destructions programmées”, les participants ne se sont pas privés de livrer à la vindicte publique le Louvre et le Centre Georges-Pompidou, accusés de “s’ouvrir aux grands sponsors”, jusqu’à la volonté de François Pinault de créer une Fondation consacrée à l’art contemporain sur l’île Seguin : les puissances de l’argent, voilà l’ennemi. Sans doute inspirés par la mémoire du lieu où ils s’exprimaient, les intervenants ont volé au secours du service public et de ses missions scientifiques et éducatives. Nul doute, seule une mobilisation salutaire peut contrecarrer l’action dérégulatrice du marché. La future loi musées (lire JdA n° 124, 30 mars 2001), bientôt débattue par les députés, et la création d’un label “Musée de France”, qui pourrait être accordé à des associations privées, font craindre le pire à l’assemblée... Unanimement, les participants ont voté à main levée une motion d’alerte des pouvoirs publics : “Ce n’est qu’un début... ”
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Résistance !
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°125 du 13 avril 2001, avec le titre suivant : Résistance !