PARIS
Venue du théâtre et du cinéma, la directrice générale de la Création artistique déroule un parcours exemplaire dans les hautes sphères de la culture tout en conservant un tempérament bien trempé et une franchise détonnante.
Paris. Que ce soit à la Mairie de Paris, à Matignon ou à la direction générale de la Création artistique aujourd’hui : l’affiche des Quatre cents coups de François Truffaut la suit partout. Dans son bureau de la rue Beaubourg, sa taille ne passe pas inaperçue, le choix du film non plus. L’affiche de Madame Sans-Gênes de Roger Richebé avec Arletty pas davantage. Plus discrète est celle de Nina Stromboli ou Le démon de midi de Jérôme Savary placée à côté de La Java des carrés de Vera Molnár, choisie dans les collections du Centre national des arts plastiques (Cnap) par son prédécesseur Michel Orier, qu’elle a voulu garder à la même place. Très vite son diplôme d’école de commerce en poche n’a été qu’une ligne tracée sur un curriculum vitae, suivie de trois expériences professionnelles successives courtes d’un an, mais importantes dans sa rencontre avec Jérôme Savary, directeur du théâtre de Chaillot. « Jérôme Savary est fondateur dans ma vie », dit-elle. Avec cette figure protectrice, elle est entrée de plain-pied dans la production de spectacles et le management d’équipes, dans un univers où elle a pu exprimer son appétence pour la littérature, le théâtre et le cinéma, tandis que dans la famille Hatchondo, on verse plutôt dans le sport – son père originaire d’Hendaye est un ancien international de rugby. Du théâtre au cinéma, le glissement au Forum des images déroule, via Michel Reilhac, ancien directeur administratif de Chaillot, une autre histoire vécue pleinement, un autre générique et une autre succession de rencontres déterminantes. Au premier rang desquelles Jean-Jacques Aillagon, directeur alors des Affaires culturelles de la Ville et le producteur Daniel Toscan du Plantier (1941-2003), président UniFrance Films.
C’est ce dernier qui suggère à Bertrand Delanoë, avant qu’il ne devienne maire de Paris, de valoriser le cinéma dans la capitale en nommant un « monsieur » ou une « madame » cinéma. Le festival de Cannes 2001, où Régine Hatchondo officie comme secrétaire générale de la Quinzaine des réalisateurs, formera le cadre de la rencontre. Elle le séduit par « son dynamisme ». « Régine était très identifiée, très appréciée dans le milieu du cinéma. Son énergie correspondait bien à la création de cette mission, où il fallait tout inventer, tout mettre en place pour donner un vrai élan à la politique cinématographique de la Ville », raconte Bertrand Delanoë qui, réélu en 2008, la nommera à son cabinet, conseillère chargée de la Culture. Il « aime sa passion pour la culture, sa personnalité vivante, truculente, son franc-parler, son non-conformisme et sa capacité à s’intéresser à d’autres domaines que le cinéma. Dans le monde des technos, elle dénote ». Ce portrait, ceux qui ont travaillé avec elle ou qui l’ont côtoyée à la Mairie de Paris, à Matignon ou au ministère de la Culture sont nombreux à le partager. Sa franchise, son tempérament affirmé, couplés à une autorité certaine, ne sont pas toutefois sans faire grincer des dents, ni lui causer quelques inimitiés. « Une main de fer dans un gant de velours », susurrent certains. « Quand vous demandez à des collaborateurs d’exister, vous ne pouvez pas leur demander d’être un robinet d’eau tiède », rétorque Bertrand Delanoë.
« Derrière son parcours, il y a un vrai goût pour la chose publique, le travail en équipe et une grande capacité à s’adapter aux rouages qu’elle entraîne », rajoute Xavier Lardoux, aujourd’hui directeur du cinéma du CNC (Centre national de la cinématographie) et pendant longtemps son binôme à la Mission cinéma, puis au cabinet de Bertrand Delanoë avant de la rejoindre à UniFrance Films quand elle en deviendra la directrice. Le cinéma une nouvelle fois encore, mais là « pour l’expérience à l’internationale que je n’avais pas », précise Régine Hatchondo.
Dans la cartographie des amours originels de Régine Hatchondo, théâtre et cinéma forment deux entités fondatrices d’un parcours professionnel et amical très lié. Il en va de même de ses liens tissés avec les anciens collaborateurs de Bertrand Delanoë, même s’ils sont plus discontinus. C’est Véronique Bédague-Hamilius, ancienne secrétaire générale de la Ville de Paris, alors nommée directrice de cabinet de Manuel Valls, qui l’a appelée pour lui proposer d’être la conseillère culture du Premier ministre. Dix-huit mois dans cette fonction l’ont propulsée dans un appareil d’État inconnu. « Régine a eu un rôle déterminant. Elle a géré des dossiers importants : la sanctuarisation du budget de la Culture et la pérennisation du statut des intermittents », rappelle Harold Hauzy ancien directeur de la communication de Manuel Valls à Matignon. Cinq mois avant les élections présidentielles de 2017, celle que l’on dit pressentie pour la direction de France Culture est nommée à la tête de la direction générale de la Création artistique (DGCA). La DGCA a la réputation de ne pas être facile dans les rapports humains. Elle dit pourtant « oui, trois fois oui, sans hésiter ». Elle s’entend bien avec Fleur Pellerin et Fabrice Bakhouche son directeur de cabinet. Elle retrouve par ailleurs le spectacle vivant. Pierre Oudart officie quant à lui comme directeur adjoint aux Arts plastiques. Elle respecte son territoire, lui laisse les coudées franches, découvre des secteurs qu’elle ne connaît pas, comme les écoles d’art. Quand on la questionne sur leur entente, elle répond qu’il « a été généreux ». Quand on enchaîne sur ses réactions à la lettre de non-candidature publiée par Le Journal des Arts, elle dit l’avoir bien prise. Quand on évoque enfin les rumeurs, qui circulaient du temps d’Audrey Azoulay, à propos de son souhait, à elle, de quitter la DGCA, Régine Hatchondo rétorque qu’elle aurait « eu l’impression d’avorter de quelque chose de non abouti ». Certes les champs des compétences de la DGCA sont vastes.
Suzanne Tarasiève, qui la connaît bien, se souvient d’avoir été heureuse de sa nomination à la direction de DGCA. Leur rencontre date du temps où la galeriste était installée à Barbizon, époque durant laquelle Régine Hatchondo et son mari lui ont acheté un tableau de Jean-Pierre Pincemin. « Elle est atypique. Elle n’est absolument pas dans les codes », souligne la galeriste. Une franchise et une spontanéité, qui n’ont pas été du goût de tout le monde l’an dernier, lors de la rencontre annuelle des directeurs des centres dramatiques nationaux organisée au moment du Festival d’Avignon. Au point que pour la première fois, elle a été interpellée par différents directeurs de centre dramatique national et qu’elle a proposé spontanément à la ministre de la Culture une lettre d’excuse pour remettre en contexte son argumentaire sur la baisse des subventions et sa petite phrase : « Quand vous me voyez, vous me parlez d’argent, vous ne me faites pas rêver… ».
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Régine Hatchondo, il était une fois la culture
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°498 du 30 mars 2018, avec le titre suivant : Régine Hatchondo, il était une fois la culture