À quoi sert une exposition universelle ?

Les expositions universelles sont emblématiques du XIXe siècle, en quoi sont-elles encore pertinentes aujourd’hui ?
Florence Pinot : Elles sont en effet nées au XIXe siècle, à une époque influencée par les Lumières, la Révolution française, l’encyclopédisme, le développement industriel et la production à grande échelle. Depuis plus de cent soixante ans, il y a toujours eu des villes qui sont entrées en compétition pour les organiser, elles y voient donc toujours un sens. Aujourd’hui, on pourrait rétorquer que l’on n’a pas besoin, dans un monde globalisé, d’une exposition pour avoir accès aux dernières nouveautés. Mais, en 1900, on se posait déjà ce type de question, et c’est d’ailleurs à partir de cette date que l’aspect « diffusion des techniques » cède la place à d’autres dimensions dont l’aspect « rassemblement pacifique ». Une exposition, c’est une ville qui invite tous les peuples à venir chez elle pendant six mois pour illustrer un thème, montrer ce qu’ils ont envie de partager. Au cours d’un XXe siècle marqué par les conflits et les antagonismes, ces joutes pacifiques ont été des moments appréciables, et cela est toujours d’actualité.

Pourquoi les sujets abordés sont-ils beaucoup plus sociétaux ?
Une exposition universelle, ce n’est ni un musée, ni la Foire de Paris. Si l’on veut qu’elle ait du sens, il faut qu’elle épouse les préoccupations du moment. C’est une occasion où l’humanité se retrouve pour aborder de grands sujets, on y parle donc naturellement d’environnement, de bioéthique, etc. Si les expositions ne reflétaient pas les questionnements et les inquiétudes contemporaines, elles seraient vraiment vouées à la disparition.

De telles dépenses ne sont-elles pas inconciliables avec l’austérité ambiante et le développement durable ?
Ce serait vrai si l’on concevait une exposition comme en 1900. Or, les organisateurs ont incorporé l’idée de recyclage, on ne crée plus des pavillons dispendieux qui sont ensuite démantelés. De plus, si elle est bien pensée, une exposition accompagne et accélère les grands projets d’aménagement des territoires en faisant office de catalyseur. Expofrance 2025 a ainsi été conçue pour booster les équipements prévus dans le cadre du Grand Paris. Le projet comprend peu de constructions pérennes spécifiques, mais exploite au contraire les équipements du Grand Paris, et des métropoles françaises ; il n’y aura donc pas de constructions délirantes et somptuaires. Par ailleurs, le site au cœur de Paris qui suivra certainement l’axe traditionnel des expositions (Concorde-Champs-Élysées-Étoile-La Défense) présentera des constructions assez légères et totalement réutilisables. C’est le modèle économique sur lequel ont travaillé les étudiants du MEB à l’ESCP Europe : un modèle qui ne fait pas appel aux finances publiques.
Bien sûr, les grands travaux d’infrastructure du Grand Paris ne font pas partie du budget de l’exposition universelle, car ces investissements sont déjà prévus et se feront indépendamment d’Expofrance. En revanche, nous avons chiffré les dépenses d’exploitation (aménagement du site, fonctionnement, sécurité) et elles devraient être équilibrées par les recettes (billetterie, sponsoring, merchandising, cessions d’actifs). Ce modèle économique a été bâti en se basant sur une fréquentation de 80 millions de visiteurs. Si on pense à la cinquantaine de millions de visiteurs de l’exposition de 1900, alors qu’il n’y avait ni TGV ni avion, cette hypothèse, bien qu’ambitieuse, nous semble raisonnable.