10 avril, quinze jours à peine avant l’annonce de la sélection 2002. « Nous visionnons vingt heures sur vingt-quatre. Les copies au Forum des Images, au CNC, à l’Agence du Court-Métrage. Les cassettes à la maison, le soir ou le week-end. »
En plein sprint pré-cannois, Marie-Pierre Macia raconte comment elle est devenue, à partir de 1999, déléguée générale de la Quinzaine des Réalisateurs. Elle fut d’abord, au début des années 80, projectionniste à la Cinémathèque française, belle époque, grands souvenirs de King Vidor ou Lilian Gish parmi les spectateurs du Palais de Chaillot. Puis le président Costa-Gavras lui propose de prendre en charge la restauration des films. Une bourse du ministère des Affaires étrangères lui offre alors une première année de formation et de recherches en Amérique, de New York à Washington, de Rochester à Berkeley. Elle y reste une deuxième année, à l’invitation de Peter Scarlet, qu’elle rejoint au festival de San Francisco. Puis une troisième, car entre-temps les changements survenus à la Cinémathèque ne l’encouragent pas à rentrer. Puis une quatrième... Elle y aura finalement vécu et travaillé dix ans. 1995 : Michel Reilhac lui confie la direction artistique des Rencontres internationales de Cinéma à Paris. Commence une navette : six mois ici, six mois aux USA. 1998 : Pierre Henri-Deleau quitte la Quinzaine, qu’il dirigeait depuis sa création. A la fin de l’été, Marie-Pierre Macia en est nommée déléguée générale. Nouveau flash-back.
1968 : agitation à Cannes et partout : les cinéastes interrompent le festival, fondent la société des réalisateurs de films (SRF). D’où naît la Quinzaine, que son site décrit comme « une sélection parallèle, donnant leur place aux films de toutes origines, sans compétition ni censure, étrangère à toute considération diplomatique, vitrine de tous les cinémas du monde ». Dès le début, il s’est agi d’être fidèle à Pierre Kast : « les films naissent libres et égaux entre eux », formule que Macia continue à revendiquer pour elle-même. « La Quinzaine est née en réaction à l’immobilisme de la compétition, dont les films étaient choisis en envoyés par les pays eux-mêmes ». Puis est apparu Un Certain Regard, « en réaction à la Quinzaine ». Jeu complexe des trois grandes sélections cannoises, dont Macia juge les rivalités « plutôt stimulantes ». Mais dont le partage est fermement marqué.
La Compétition, de plus en plus, vise un casting d’auteurs internationaux – « Je ne cours pas après ces films ». Un Certain Regard est toujours demeuré sans réelle singularité. « La porte de sortie politique de la compétition », dit sobrement Macia. Tout autre est la mission de la Quinzaine : « maintenir un travail de découverte, offrir une scène internationale à des cinéastes ».
1974 : premier voyage cannois de Martin Scorsese et Robert de Niro, pour Mean streets. 76 : triomphe de L’Empire des sens. 84 : Stranger than paradise, de Jim Jarmusch.
1999 : Virgin suicides, de Sofia Coppola. 2001 : Ce vieux rêve qui bouge, d’Alain Guiraudie. Impressionnant (bien qu’incomplet) palmarès de découvertes. Et cette année ? Depuis novembre, depuis janvier surtout, un infatigable trio voyage et enquête : Marie-Pierre Macia un peu partout, Christine Ravet en Asie, Jacques Gerber en Europe de l’Est et ailleurs. La pression monte.
Il faut à la fois trouver « l’indéfinissable fil rouge qui donne sa cohérence de ton et d’écriture à une sélection », et répondre aux sollicitations de plus en plus précises des uns et des autres. Comme toujours, des cinéastes jusque-là attirés par l’« Officielle » commencent à « frapper à la porte ». Macia a décidé de « ne pas garder le secret, afin d’aider les films, afin de rendre possible un bouche à oreille, avant même l’ouverture du festival ». Qu’annonce-t-elle ? Un documentaire de l’Américain
D. A. Pennebaker sur les ex-musiciens et chanteurs de la prestigieuse Motown. Une comédie musicale thaïlandaise de Pen-ek Ratanaruang, « bel exemple de culture populaire ». Deux films italiens : de Matteo Garrone et de Roberta Torre. Un premier film cubain. Et surtout, du Mexicain Carlos Reygadas, 25 ans, ancien avocat : Japon, premier film bouclé avec l’aide de la famille – tata à la cuisine, papa à la menuiserie – et un financement de dernière minute trouvé via l’Internet. Ravie, Macia avance : « On peut dire que c’est la révélation, L’Orphelin d’Anyang (Wang Chao) de 2002 ». Et
tranche : « C’est une meilleure année que 2001 ».
- 55e Festival de Cannes, Quinzaine des Réalisateurs, 16-26 mai. Reprise au Forum des Images à Paris, 29 mai-4 juin, www.festival-cannes.org
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Quinzaine des Réalisateurs : la sélection dévoilée
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°536 du 1 mai 2002, avec le titre suivant : Quinzaine des Réalisateurs : la sélection dévoilée